Crise de l’accueil : sit-in pour dénoncer l’inaction du gouvernement
Manque de places, non-respect de la loi en matière d’accueil des migrants... Avocats, ASBL et ONG ont manifesté devant les bureaux de la secrétaire d’État à l’Asile et la Migration.
Cent cinquante personnes, dont des avocats spécialisés dans la défense des demandeurs d’asile, des responsables d’ASBL et des demandeurs d’asile se sont rassemblés ce jeudi 10 novembre pour réclamer des mesures d’urgence afin de trouver des places pour les milliers de personnes qui dorment dans les rues.
Depuis un an, l’Agence fédérale pour l’accueil des demandeurs d’asile, Fedasil, ne parvient pas à trouver des places. Le problème concernait surtout les hommes seuls, mais ces derniers temps, des femmes et des enfants sont également contraints de dormir dans la rue ou dans un lieu provisoire.
« Le nombre de demandeurs de protection internationale qui n’ont pas où loger est difficile à préciser », précise Marie Doutrepont, avocate et porte-parole des organisateurs de la manifestation. « J’ai en tête plus de 1.500 personnes qui dorment dans les rues de Bruxelles, mais comme ce sont des SDF, ils ne sont pas facile à répertorier. » Face à ce qu’elle appelle une crise humanitaire majeure, elle demande au gouvernement de trouver des solutions d’urgence à l’approche de l’hiver.
« Ces solutions existent. Elles ont été plusieurs fois présentées à la ministre qui n’en n’a pas eu grand-chose à faire. Il faut réquisitionner les bâtiments vides, il faut mettre les gens dans les hôtels. Et s’il le faut, mettre des tentes. Les gens ne peuvent pas dormir dans la rue, ce n’est pas possible ! »
5.000 fois condamné
Ces avocats présents au 2 rue Lambermont, siège du secrétariat d’État à l’Asile et la Migration, se sont dit impuissants face à l’inaction du gouvernement. « L’État belge a été condamné 5.000 fois par le tribunal du travail, mais rien ne change. » Gérald Castiaux, avocat au barreau de Bruxelles présent lui aussi à la manifestation, dénonce une situation devenue juridiquement inextricable. « L’État est condamné chaque semaine des dizaines et des dizaines de fois par le tribunal du travail. Il ne se défend même pas, et aucun avocat ne vient défendre son point de vue. Il se laisse condamner, il laisse faire la procédure », confie-t-il, dépité. «Le problème est qu’on ne peut même pas obtenir l’exécution des condamnations par un huissier. »
Pour illustrer leur impuissance face à la situation, les avocats ont confectionné un tapis rouge sur lequel étaient étalées les copies des jugements rendus par le tribunal du travail et la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Un à un, et en file indienne, ils ont piétiné le tapis, puis suspendu leurs toges à un crochet. Une manière de fustiger le non-respect de la loi en matière de droit d’asile.
Bâtiment squatté à Schaerbeek
Symbole de cette crise d’accueil à Bruxelles, un bâtiment de la rue des Palais à Schaerbeek est squatté par plus de 700 demandeurs d’asile qui n’ont pas pu avoir une place dans un centre de Fedasil. Appartenant à un privé, cet immeuble était en train d’être rénové par la Région bruxelloise pour servir de centre d’hébergement temporaire de réfugiés ukrainiens.
Alexis (prénom d’emprunt), jeune Burundais, fait partie des personnes qui occupent le bâtiment schaerbeekois. Arrivé en Belgique en octobre, il n’a pas pu, comme plusieurs de ses compatriotes, bénéficier d’une place d’accueil dans un centre du Fedasil. «Nous occupons plusieurs pièces du bâtiment. Ils ont coupé l’électricité et il n’y a pas de chauffage. Nous sommes des centaines à partager une seule douche sans eau chaude. Des associations et des particuliers nous viennent en aide en nous apportant de la nourriture et des vêtements. » Pour lui, c’est encore mieux de vivre entre ces quatre murs que de dormir à la bonne étoile sous un froid glacial. Mais le répit risque d’être de courte durée. Le propriétaire de l’immeuble occupé pourrait entamer des démarches judiciaires et la Région bruxelloise a annoncé cette semaine qu’elle le soutiendrait. Démarches qui aboutiraient probablement à l’expulsion des occupants.
Tout mettre en oeuvre
Une délégation du cabinet d’avocats «Progress Lawyers Network» a rencontré des membres du cabinet de Nicole De Moor, le même jour. Citée par nos confrères de Sudinfo, la secrétaire d’État à l’Asile et la Migration (CD&V) a confirmé avoir rencontré une délégation et a déclaré « comprendre les préoccupations sur le terrain. » Et de souligner, « vouloir tout mettre en œuvre » afin de fournir un asile adéquat.
« Pour ce faire, nous envisageons différentes pistes, parmi lesquelles les abris humanitaires d’urgences. Le gouvernement s’est réuni aujourd’hui et a approuvé que l’on puisse travailler avec de la main-d’œuvre temporaire », a affirmé Nicole De Moor. Selon elle, ces intérimaires doivent venir en aide à Fedasil pour rendre opérationnelles les places disponibles.
« Nous ne pouvons pas ignorer que nous sommes confrontés à un nombre disproportionné de demandeurs d’asile en comparaison avec les autres États membres de l’Union européenne », a-t-elle ajouté. « Nous continuerons donc à travailler pour faire face à cet afflux. Trop de personnes sont des migrants économiques ou ayant déjà introduit une procédure sur un autre territoire européen. De ce fait, ils occupent des places qui pourraient être attribuées à d’autres personnes qui ont besoin de protection dans notre pays », a conclu la secrétaire d’État.