Des belges ouvrent leurs maisons aux réfugiés ukrainiens
La guerre a un grand impact sur la vie quotidienne des personnes. Nous avons recueilli les témoignages de deux médecins belges qui ont accueilli une famille ukrainienne chez eux. Le couple a ouvert ses portes à LATITUDES.
Les personnes munies d’une carte d’identité ou d’un passeport ukrainien sont accueillies en Belgique par l’agence fédérale Fedasil, et certaines d’entre elles s’installent temporairement dans des familles volontaires belges.
Dans la région flamande, la ville de Mechelen (Malines), à quelques kilomètres au nord-est de la capitale Bruxelles, vient tout juste d’ouvrir 70 maisons pour des familles de réfugiés ukrainiens. Nous nous sommes rendus à Malines pour rencontrer une famille de réfugiés et la famille belge qui les accueille au sein de leur maison aux abords de la forêt. La traductrice Angela Turcu, d’origine moldave, nous a accompagné pour permettre l’échange avec la famille ukrainienne.
Modestes et souriants, Elies Van Belle et Paul Bossyns sont deux médecins qui travaillent dans l’aide humanitaire et le développement.
Quand et pourquoi avez-vous décidé d’être une famille hôte ?
– Elies : Dès qu’il a été annoncé à la radio que l’on cherchait des familles pour accueillir des réfugiés, je pense qu’on s’est tout de suite inscrits sur le site de la commune. Car nous avons une maison avec une partie annexe qui peut faire office d’appartement indépendant. Donc le fait qu’on a cet espace nous a permis de faire ce choix facilement.
Je suppose que ça a beaucoup à voir avec le fait que c’est une guerre en Europe. On se sent très concernés et solidaires par ce qui se passe dans le monde aussi car nous travaillons dans la coopération et le développement. Mais c’est encore plus particulier vu que c’est en Europe.
-Paul : Par notre métier nous avons vécus à l’étranger dans différents pays. Je pense que c’est une barrière en moins pour accueillir et vivre avec des gens qui ne parlent pas notre langue.
Est-ce la première fois que vous accueillez des personnes réfugiées ?
Oui c’est la première fois. (ensemble)
– Elies : On habite ici depuis trois ans seulement. Avant, nous étions en appartement à Bruxelles…
Comment communiquez-vous avec la famille sans langue commune ?
Google translate, seulement (rires)
Et ça marche ?
– Elies : Comme ci comme ça. Ça prend énormément de temps et il y a beaucoup d’erreurs. On ne peut pas avoir une conversation approfondie, ça reste superficiel. Bon, pour les choses essentielles il n’y a pas de soucis. Mais dès que c’est un peu plus compliqué ce n’est pas évident. Ils ont commencé les cours de néerlandais et ils s’y investissent vraiment. Mais ce n’est pas évident. Avec le CPAS ils ont maintenant deux cours de néerlandais par semaine.
Leur petit enfant, le fils de leur fils, est arrivé depuis 2 semaines. Mais il n’a pas encore de papiers.
Quel a été votre rôle dans le processus d’intégration de vos hôtes ?
-Paul : Elies les a beaucoup aidés pour les papiers. On est allés se promener avec eux aussi.
-Elies : Au début on faisait les courses avec eux. Puis un ami leur a prêté des vélos et ils ont commencé à y aller d’eux-mêmes. Je les ais aidés à régler les choses administratives en général, à la banque, au CPAS, avec la commune, etc. Mais c’était long et compliqué surtout au début à cause de la langue.
– Paul : C’est vrai que c’est un peu compliqué, mais ce n’est pas pour autant impossible.
« Tout le monde disait qu’en Belgique, les gens sont bons »
- Fedor Fedorovich Evdokimova, 53 ans, et Mme Valentina Viktorovna Evdokimova, 56 ans, un couple ukrainien. Ils nous racontent ce qu’ils ont vécu. Ils viennent de Krementchouk, une importante ville industrielle de la région de Poltava au centre de l’Ukraine.
Quelle était votre situation d’avant-guerre ?
Nous habitions vers le centre de l’Ukraine, à 5h de voiture au sud de Kiev. Je suis né en Russie mais je suis Ukrainien car j’y vis depuis que je suis petit. Je travaillais dans le bâtiment, et ma femme était boulangère. La situation avant était très calme. Nous, les Ukrainiens et les russes, sommes très similaires. Tout le monde a un proche qui est russe ou qui vit en Russie. Donc nous ne nous attendions pas du tout à une guerre.
Quand avez-vous décidé de quitter votre pays ?
Au moment où la guerre a éclaté nous n’étions pas en Ukraine mais en Russie, dans la région de l’Oural, en visite chez notre fils qui venait d’avoir un enfant. Quand nous avons appris ce qu’il se passait à la radio, nous avons tout de suite décidé de quitter le pays avant qu’il ne soit trop tard.
Pourquoi avoir choisi la Belgique ?
Nous sommes allés à la frontière estonienne pour pouvoir quitter la Russie. À la frontière, les gardes russes nous ont stoppés. Les hommes ont été arrêtés. Ils nous ont posé de nombreuses questions, sur nos raisons de quitter le pays, etc. Ils ont même pris nos empreintes. Mais nous avons finalement réussi à passer. Des bus nous ont ensuite emmenés à Tallinn, la capitale estonienne. De là nous sommes allés en Pologne. Puis nous avons traversé toute l’Allemagne en passant par Berlin. Et sommes enfin arrivés à Bruxelles.
Pour le choix de la Belgique, des amis à nous nous en avaient déjà parlé en bien. Tout le monde disait que c’est un pays en paix et où les gens sont bons. Nous avons donc choisi d’aller en Belgique alors même que nous n’y connaissions personne.
Même pas Paul et Elies donc…
Quand nous sommes arrivés ici, nous avons été aidés dès la sortie du train. Des gens nous ont accueillis et aidés pour les démarches à faire. Notre venue en famille d’accueil était déjà prévue donc nous nous sommes dirigés vers cette adresse que l’on a trouvée grâce aux téléphones. Et la première personne que nous avons vue était Paul qui avait l’air très gentil (rires).
Comment se passent vos journées ici ?
Chaque matin le premier réflexe est de s’informer. Nous prenons aussi des nouvelles auprès de nos proches restés en Ukraine. Nous leur demandons comment s’est passée leur nuit, et ça fait toujours mal au cœur quand ils parlent des bombardements.
Mais nous avons la chance d’avoir beaucoup d’aide et de soutien ici. Beaucoup de choses positives. Cela nous permet de ne pas y penser et de pouvoir garder le sourire à la fin de la journée.
Sans problème d’intégration ?
Le plus difficile reste la langue. C’est le principal obstacle. Nous prenons des cours de néerlandais pour essayer d’apprendre la langue. Sinon nous sommes des gens humbles qui ne demandent pas beaucoup de choses.
Est-ce que vous pouvez encore faire quelque chose pour l’Ukraine ?
Quand nous avons des nouvelles depuis la Belgique, nous les transmettons à nos proches là-bas en Ukraine et aussi surtout en Russie. Car à la télé et la radio les propagandes d’Etat empêchent de savoir la vérité. Nous essayons donc de véhiculer de l’information et de les tenir au courant.
Que représente le président Zelenski pour vous ?
C’est quelqu’un de très compétent, très intelligent et courageux. Nous pensons qu’il a été très bon dans les relations avec les Etats-Unis et l’Union européenne. Il fait tout ce qu’il peut mais il ne peut pas faire plus. Le rapport de force avec le Russie est bien trop inégal…
Au moment de son élection nous ne pensions pas qu’il serait un bon président c’était un acteur. Mais il a prouvé qu’il était à la hauteur.
Quelque chose à ajouter ?
Nous espérons juste que la guerre finisse le plus vite possible.