Fête nationale ukrainienne : une mobilisation pour l’indépendance à Bruxelles
Le 24 août 1991, l'Ukraine déclarait son indépendance vis-à-vis de l'URSS, qui se délita la même année sous l'impulsion bleu et jaune. A Bruxelles 31 ans après, ils étaient nombreux à se mobiliser pour la Fête nationale.
De manière presque incongrue, sur fond de ciel bleu, les ornements dorés de la Grand-Place rendaient hommage le 24 août aux couleurs ukrainiennes. Que ce soit en drapeau, en fleurs ou en vêtements, Ukrainiennes et Ukrainiens exhibaient avec fierté leur drapeau national en ce jour de fête d’indépendance. Ils dansaient en farandole, vêtus de vyshyvankas, vêtements traditionnels parés de broderies tissées à la main, tandis que la musique chantait les kalinas, une baie rouge faisant office d’emblème national.
Cette ferveur était soutenue par la présence de personnalités européennes et belges, comme Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, et Philippe Close, bourgmestre de la ville de Bruxelles, ainsi que des diplomates ukrainiens dont Natalia Anoshyna, représentante de l’ambassade d’Ukraine en Belgique, et Vsevolod Chentsov ambassadeur de l’Ukraine auprès de l’Union européenne. Lors d’un discours, la cheffe de l’exécutif européen a notamment réaffirmé son soutien au pays envahi, suivi d’un soulevé de drapeau sous l’air de l’hymne national. Pour Vsevolod Chentsov, « la présence d’ Ursula von der Leyen sur la Grand-Place est significative, car cela représente un geste de solidarité et de soutien indéniable pour la communauté ukrainienne de Belgique ».
L’euphorie et la joie ne manquaient pas de dénoter avec la guerre meurtrière qui se déroule actuellement en Ukraine. Comment célébrer l’indépendance de son pays sur un sol étranger, alors même que la Russie menace sa souveraineté ? Ibrahim Chehade est un Ukrainien d’origine palestinienne qui a vécu toute sa vie à Kiev, mais a dû fuir les bombardements en mars 2021. Il explique pourquoi célébrer l’indépendance de son pays sur la Grand-Place compte à ses yeux : « Nous voulons que le monde entier sache qu’aujourd’hui, c’est la fête de nationale de l’Ukraine. L’année prochaine, j’espère que nous pourrons fêter notre indépendance, mais aussi celle des territoires occupés [NDLR: Crimée et Donbass]. » Dans la foule, la famille Loskutov, qui vit en Belgique depuis 2018, profite également, non sans oublier la vérité voilée sous l’effervescence : « Avant, nous célébrions notre Fête de l’indépendance ensemble, en Ukraine. Quand la guerre a commencé, nous vivions notre vie normale, les enfants allaient à l’école à Anvers, je travaillais comme tous les jours. Mais la vérité pour nous, c’est que la guerre a éclaté quand la Russie a annexé la Crimée, en 2014. Maintenant, les Ukrainiens ont l’opportunité de remporter cette guerre, c’est une chance pour nous de regagner notre indépendance, pour de bon cette fois. »
Peu après les célébrations sous l’Hôtel de ville, les festivités continuèrent au Grand Hospice, près de la place Sainte-Catherine. Après une suite de discours officiels, de poignées de main et de sourires avec les convives, le ton de l’ambassadeur de l’Ukraine auprès de l’UE, est monotone. Éreinté par six mois de guerre et de diplomatie ? « Ce n’est pas une réception diplomatique comme les autres. Notre situation est spéciale, on se bat contre l’agresseur russe, mais beaucoup d’Ukrainiens sont otages à l’étranger, en Belgique notamment. Eux aussi mènent leur propre bataille. Nous voulons renforcer leur moral, qu’ils se sentent unis, qu’ils aient l’impression de faire partie d’une communauté. C’est important pour nous de célébrer notre indépendance, qui a une signification toute particulière, car nous nous battons pour la préserver. » Parmi les stands autour des jardins, celui de Voice of Ukraine, une association qui collecte des fonds en vendant de l’artisanat ukrainien, et informe les réfugiés sur leurs droits et possibilités d’intégration. Yagoslava Kukharenko, membre de l’association, explique son rôle auprès des Ukrainiennes et Ukrainiens: « En collaboration avec les autorités bruxelloises, nous construisons un projet nommé SPOC : Single Person Of Contact. Elles ont engagé 7 Ukrainiens pour former 7 groupes de travail, un pour la santé, un pour l’habitat, un pour la protection sociale, un pour l’éducation… Dans le cas où les autorités belges voudraient fournir des informations ou en collecter auprès des Ukrainiens, ils entrent d’abord en contact avec les unités SPOC, qui transmettront ensuite l’information au plus vite afin d’aider les gens. » Néanmoins, elle non plus n’oublie pas l’éloignement avec sa patrie : « Pour moi, la Fête de l’indépendance était déjà un des plus grands évènement de l’année auparavant, car je suis née la même année, en 1991. Mon pays, l’Ukraine indépendante, c’est comme ma meilleure amie pour moi. Alors oui, je suis assez triste de ne pas être chez moi, à la maison, mais je reste extrêmement fière. On a l’impression que, chez nous, ce n’est pas si loin. En regardant autour de nous, tout le monde porte du bleu et du jaune, tout le monde parle ukrainien, la nourriture est ukrainienne, c’est presque comme la maison. On a un sentiment d’unité. »