Floriane Irangabiye : la criminelle par excellence
La justice burundaise a confirmé la condamnation d'une journaliste à dix ans de prison. Et ce, à la veille de la journée mondiale de la liberté de la presse.
Le pouvoir burundais a le sens de la fête.
À la veille de la journée mondiale de la liberté de la presse, il a eu un coup de génie pour ramener le pays sur le devant de la scène : confirmer ce 2 mai la condamnation à dix ans de prison de la seule femme journaliste incarcérée en Afrique, la Burundaise Floriane Irangabiye, 34 ans.
Timing parfait
Un message ? Une coïncidence, une ironie ou un hasard du calendrier ? On ne saura peut-être jamais. Ce qui est sûr, à quelques jours de la visite annoncée du Secrétaire Général de l’ONU, le timing est parfait. Certains avancent que c’est un plan des détracteurs de la politique du président Ndayishimiye qui travaille à l’amélioration de l’image du Burundi ternie par des années de verrouillage de l’espace démocratique.
Toujours est-il que le crime de la journaliste est le crime par excellence, vieux comme le monde : « Atteinte à l’intégrité du territoire national. » Une accusation vague, grave, fourre-tout, extensible à souhait. Une accusation qui s’adapte à tous les temps, sous tous les cieux et tous les régimes politiques. Une accusation qui a envoyé des journalistes et autres écrivains mourir de froid au goulag ou se déshydrater de soif et de solitude dans les prisons du désert.
Croire sans voir
Mais, au fait, qu’est-ce que la justice burundaise lui reproche concrètement ? Quels sont les éléments à charge ?
Les faits. Au cours du procès, le ministère public a mentionné une émission diffusée sur Radio Igicaniro en août 2022 dans laquelle « ses invités critiquaient le gouvernement burundais et accusaient ses dirigeants d’être des voleurs et de piétiner les droits des citoyens. »
Pour la justice burundaise, cela suffit pour prendre 10 ans de prison. Comment elle a laissé ses invités dire cela ? Elle est accusée des propos tenus par ses invités, ce qui aggrave l’iniquité de la condamnation.
Mais tout va bien au Burundi et tout le monde le sait. Cette journaliste est finalement ennemie du pays. Une criminelle. Et “notre” justice a tranché.
Hommes de peu de foi, croyez en la justice de notre pays. On n’a pas besoin de preuve. Le Burundi est un pays chrétien à plus de 90 %. Heureux ceux qui croient sans voir. C’est écrit.