Mineurs étrangers, 18 ans, âge maudit : « Je ne suis pas un menteur »
Être mineur ou majeur pour un demandeur d’asile, ça change tout. Les enfants et les adolescents bénéficient d’une protection et d’un accompagnement spécifiques, jusqu’à leurs 18 ans. Pour déterminer leur âge, les autorités réalisent des tests osseux très contestés. Dont les lourdes conséquences collent à la peau des jeunes migrants.
Octobre 2009
Mesdames et messieurs des autorités de Belgique, Je m’appelle Yaguine (prénom d’emprunt choisi en référence au drame survenu en 1999. Yaguine Kaoita, 14 ans, et Fodé Tounkara, 15 ans, sont retrouvés morts gelés à Bruxelles dans le train d’atterrissage d’un avion en provenance de Guinée. Sur eux, leurs certificats de naissance, cartes de scolarité, des photos et une lettre expliquant pourquoi ils avaient choisi l’exil malgré le danger, NldR), j’ai 16 ans et je viens d’Afghanistan. Je suis né dans le village de Chihil Baghtoie Pashi, dans la province de Ghazni. Dans mon pays, j’ai commencé à garder les moutons à 8 ans. Je ne faisais que travailler, je n’allais pas à l’école. Comme je suis chiite hazâra, il devenait très dangereux pour moi de rester là-bas. Les talibans font régner la terreur. Cela fait quatre ans que j’ai quitté l’Afghanistan. Je suis passé par l’Iran, la Turquie, la Grèce et l’Italie. Je me souviens avoir traversé la Turquie en trois jours, dans un camion. Je me suis fait frapper, j’ai beaucoup prié pour me donner du courage et continuer mon chemin vers une vie plus sûre.
J’ai été arrêté à Aix-la-Chapelle par des contrôleurs allemands. On m’a livré à la police belge qui m’a emmené au centre fermé de Vottem. J’ai dû faire des examens médicaux, des photos de mes os de la bouche, de la main et de l’épaule. Dans cet hôpital, on m’a dit que j’avais 18 ans. Je ne comprends pas pourquoi ils ont dit ça. Je leur ai répété plusieurs fois qu’ils s’étaient trompés. Ils ont écrit sur un papier que j’étais né en 1991 alors que je suis né en 1993. Je connais mon âge, je ne suis pas fou. Pourquoi est-ce qu’ils ne me croient pas ? J’espère que vous voudrez bien entendre mon appel au secours : je ne suis pas un menteur.
Yaguine (cette lettre et celles qui suivent ont été écrites librement à partir du témoignage de Yaguine, NdlR)
Quand un jeune étranger arrive en Belgique sans parent (ou sans tuteur légal), se dit mineur et souhaite demander l’asile, il doit passer par la case « Petit-Château ». C’est le centre d’arrivée où tous les exilés s’enregistrent pour demander l’asile. Zico, ancien mineur étranger non accompagné (Mena), en garde un souvenir douloureux. « On m’a fait un examen pour voir si j’avais la tuberculose, on m’a pris en photo, j’ai dû mettre mes empreintes et répondre à des questions pendant des heures. » Il sort de là avec une Annexe 26, un accusé de réception faisant office de carte d’identité temporaire. Le Service des tutelles est alors immédiatement informé de son inscription et, si le jeune est reconnu comme mineur – ce qui n’est pas toujours le cas –, il désigne un tuteur qui deviendra son représentant légal. Cet organisme attaché au SPF Justice doit aussi lui offrir un accompagnement légal, un accès à l’éducation, un hébergement dans une structure distincte de celles réservées aux adultes.
« Les tables de maturation qui sont utilisées en Belgique [pour les tests osseux] reposent sur la base d’une population blanche occidentale. »
Centre de référence en santé mentale
Par contre, si un doute est émis quant à la minorité du jeune, par le Service des tutelles ou toute autre autorité comme la police ou l’Office des étrangers, un triple test osseux (radiographie du poignet, de la clavicule et de la dentition) est effectué pour vérifier son âge. Un chauffeur du Service des tutelles vient le chercher et le conduit dans un des quatre hôpitaux habilités à effectuer ces tests (UZ Leuven, UZ Antwerpen, AZ Sint-Jan Brugge-Oostende et hôpital militaire à Neder-over-Heembeek). Il s’agit d’une étape critique pour plusieurs raisons. D’abord, c’est un traumatisme supplémentaire pour celui qui se dit mineur. Marcelline Cols, tutrice, se souvient d’un jeune à qui on avait coupé trois doigts, qui avait été abusé sexuellement et avait vu son papa se faire exécuter. « Il s’est fait traiter de menteur, les autorités se sont acharnées sur lui. J’en ai été malade, je l’ai vu se taper la tête contre le mur et ne plus pouvoir dormir. »
Par ailleurs, de nombreux experts médicaux, le Parlement européen et même l’Ordre des médecins remettent en cause la fiabilité de ce triple test. « L’utilisation de radiographies permet de donner un âge à un squelette, qui ne correspond pas nécessairement à l’âge civil. Faire correspondre ces deux âges relève d’une appréciation de diagnostic qui est faillible. D’autant plus que les tables de maturation qui sont utilisées en Belgique reposent sur la base d’une population blanche occidentale. Les origines ethniques, le niveau socio-économique et l’alimentation d’un individu influencent sa croissance, et donc l’âge de son squelette », documente le Centre de référence en santé mentale (« Les ressources mobilisées par les Mena en cas de souffrance psychique » – 2019).
Le doute généralisé
En Belgique, l’organisation des tests osseux est elle-même très peu encadrée par la loi. Il suffit qu’une des autorités émette un doute au sujet de l’âge du jeune pour qu’un test médical soit immédiatement effectué. Les documents officiels ou les témoignages d’experts sociaux ne sont pas souvent pris en considération, selon la plateforme Mineurs en exil. Malgré cela, Christine-Laura Kouassi, porte-parole du SPF Justice, affirme toujours que ces tests constituent « la meilleure approche scientifique » pour évaluer l’âge d’une personne qui ne présente aucun document d’identité. Si tout le monde s’accorde sur le fait qu’il est légitime pour les autorités de vouloir un système qui protège les vrais mineurs, remettre l’âge en doute ne devrait se faire qu’en dernier ressort. Or, cette procédure est très fréquente. Katja Fournier, qui a travaillé sur la question de l’estimation de l’âge des Mena pour Mineurs en exil, indiquait déjà qu’en 2016, un doute avait été émis dans 44 % des cas.
En 2021, la proportion grimpe à 68 % selon les statistiques du Service des tutelles (SPF Justice) de novembre 2021 (2 935 doutes pour 4 312 jeunes signalés). Et, dans plus de la moitié des cas (2 238), des tests osseux ont été effectués. « Ces dernières années, on a l’impression que l’émission du doute est presque devenue un système de contrôle des migrations, estime Katja Fournier. Compte tenu de l’afflux croissant [de Mena, NDLR], nous continuons à chercher des solutions, avec tous les partenaires, pour pouvoir organiser davantage de tests d’âge », confirme le SPF Justice, en total désaccord avec le secteur associatif pour qui cette hausse du nombre de tests est liée à un durcissement de l’accueil. Ce constat n’est pas démenti quand on regarde les résultats de ces tests. En 2021, sur les 2 238 tests osseux réalisés, 1 533 ont donné lieu à des déclarations de majorité (soit 68 %) et 663 à des déclarations de minorité, soit 30 % (la différence entre le nombre de tests d’âge effectués et la somme des jeunes majeurs et mineurs est due aux délais nécessaires à la communication des résultats des tests et à l’annulation en dernière minute de certains tests, indique le SPF Justice). Une proportion qui mystérieusement ne varie pas au fil des ans, qu’importe le contexte géopolitique mondial. « En 2015, il y a eu un vrai rajeunissement du public, mais on avait les mêmes pourcentages. Je n’ai jamais eu la preuve de l’existence de quotas, mais c’est vraiment étonnant », précise Katja Fournier.
La question de la détermination de l’âge exact des jeunes étrangers qui arrivent sur le sol belge est épineuse. Si le risque d’abus existe, pour celui qui est déclaré majeur à tort, les conséquences sont lourdes : il n’aura pas l’aide d’un tuteur pour ses démarches ni lors de l’audition devant le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA) ; il ne sera pas hébergé dans un centre pour mineurs ; il ne pourra pas aller à l’école ; son dossier sera traité plus sévèrement car il aura été suspecté d’avoir déjà menti sur son âge ; il pourra être détenu en centre fermé et expulsé s’il n’est pas régularisé.
Mars 2011
Monsieur l’agent de protection du CGRA,
J’ai aujourd’hui 18 ans. Je suis officiellement majeur dans votre pays. Maintenant, je n’ai plus aucune chance de me faire accompagner dans mes démarches. De toute façon, j’ai toujours dû faire mes demandes d’asile seul. Lors de ma première audition, il y a deux ans, je n’avais pas d’avocat, seulement un traducteur qui parlait le dari, une des langues officielles d’Afghanistan et que je ne maîtrise pas bien. Moi, je parle le hazâragi qui est un dialecte oral. C’est un peu comme si vous interrogiez une personne qui parle le wallon avec un interprète qui parle le français. C’est sûr qu’il y aura des erreurs.
Je vous ai raconté toute mon histoire pendant des heures, nous nous sommes rencontrés à plus de dix reprises. Vous m’avez inondé de questions et je vous ai chaque fois répondu du mieux que je pouvais, même si j’avais peur et que je ne savais pas à qui je parlais. « Quelles sont les provinces voisines de Ghazni ? », « Quel est le chef-lieu de votre district ? », « Qu’est-ce que le calendrier afghan ? » Je crois qu’aucun berger analphabète n’aurait pu répondre à vos questions. On dirait qu’elles ont été pensées par des personnes qui ont la même éducation que vous. Mais moi, j’ai vécu isolé dans les montagnes, au milieu des moutons à plus de 3 000 mètres d’altitude. Moi, je n’ai pas été un seul jour à l’école. Je n’ai jamais entendu parler de géographie, d’histoire, de politique. J’ai quitté mon pays à 12 ans et j’ai passé des années à me cacher, à fuir les coups et la prison. Par contre, je vous ai cité le nom des petits villages autour de chez moi et qu’on ne peut connaître que si on y a vécu. Malgré cela, vous répétez que je suis un menteur. Si tout ce que je raconte est faux, dites-moi qui je suis !
Yaguine
Le jour des 18 ans
Zico a aujourd’hui 23 ans. Lui a été reconnu comme mineur à son arrivée en Belgique en 2012 et estime avoir été chanceux. « Beaucoup de mes amis ont été obligés de passer le test et ont été déclarés majeurs. Ils ont dû quitter le centre pour Mena où on s’est rencontrés et poursuivre leur procédure en tant qu’adultes. Ça a été très difficile. Je les ai vus pleurer à cause de ça. » À l’évocation de ce souvenir, il se rappelle le 30 août 2016, jour de ses 18 ans. « La veille, j’ai rangé mes affaires pour quitter le centre qui ne pouvait plus continuer à m’accueillir. Un éducateur m’a accompagné à Delta (station de métro bruxelloise). J’étais triste car j’ai dû laisser mes amis de galère. On s’entraidait pour s’en sortir, comme dans une guerre. » Anne-Laure Le Cardinal, la psychologue du centre, a vu Zico s’en aller. « Nous avons été traumatisés d’avoir dû le déposer avec ses affaires dans des sacs-poubelle, comme un paquet à la déchetterie, alors que cela faisait quatre ans qu’on le connaissait et qu’il était irréprochable. »
« Certains donnent de faux noms, car, si on dit appartenir à telle ethnie, on aura plus ou moins de chance d’être accepté. »
Nadine Lino (Live in Color)
Du jour au lendemain, Zico, désormais majeur et sans titre de séjour, a dû arrêter l’école. « On m’a donné un ordre de quitter le territoire. Je n’ai pas pu passer mes examens de passage pour entrer en 4e en études artistiques, à Namur. Je voulais terminer ma scolarité, mais on ne m’a pas donné le choix. L’école, c’était la seule chose positive dans ma vie. Si j’avais attendu d’obtenir mon titre de séjour pour être heureux, je serais devenu fou depuis longtemps. » Aujourd’hui, Zico a obtenu un titre de séjour temporaire, à renouveler tous les ans. « Avec cette carte, je n’ai pas droit au CPAS, et donc je suis obligé de travailler comme commis de cuisine dans une maison de repos. Quand j’étais au centre, j’aimais dessiner et mes dessins étaient même exposés sur les murs. Maintenant, je ne touche plus à mes crayons, je n’ai plus du tout d’inspiration. »
Face à la complexité de la procédure d’asile, il est difficile pour un jeune étranger de se préparer aux interviews avec le CGRA, l’instance qui examine la demande d’asile de manière approfondie. Beaucoup vivent ce moment comme un interrogatoire de police. Pendant plus de quatre heures, on leur demande de raconter leur parcours en détail, sans omettre les épisodes les plus traumatisants. « Ils aiment bien tout ce qui est dramatique : quand tu racontes une histoire et qu’il y a des morts dedans, ça a plus de chances de passer. Tu ne peux pas arriver et demander l’asile dans ce pays “pour rien” », ressent Zico. « En matière d’immigration, il y a un climat de suspicion lié au fait que les portes d’entrée sont tellement étroites qu’ils sont nombreux à tenter de les élargir. L’absence de confiance va générer de l’incompréhension. Je ne veux pas jeter la pierre aux autorités, il est difficile de construire la confiance avec ceux qui ont tout perdu, mais le système actuel n’est pas vraiment de nature à permettre cette confiance », souligne Sylvie Saroléa, avocate et professeure en droit de l’immigration à l’UCLouvain.
« À partir du moment où les jeunes ont dû mentir pour rester en vie et que ça a été leur mode de survie essentiel durant l’exil, c’est une illusion de considérer qu’ils vont pouvoir l’abandonner du jour au lendemain », recadre Katja Fournier. Il existe différentes raisons qui peuvent expliquer que les jeunes « mentent » ou ont l’air de mentir. Plus qu’un problème individuel, le « mensonge » s’inscrit dans une dynamique structurelle.
Les histoires qui marchent
Sur le chemin migratoire, des « vendeurs d’histoires » abreuvent les jeunes de récits à apprendre par cœur pour soi-disant augmenter leurs chances d’être régularisés. Nadine Lino est la fondatrice de Live in Color, une asbl liégeoise qui organise un système de parrainage de Mena par des citoyens. Elle-même marraine de jeunes exilés, elle a récemment appris que l’un d’eux avait menti sur son récit. « Il m’a dit qu’après cinq ans passés en Belgique, il commençait à comprendre comment notre système fonctionnait et s’en voulait d’avoir menti. Et quand on creuse, on apprend qu’il a simplement suivi ce qu’on lui disait de dire. Certains donnent de faux noms, car, si on dit appartenir à telle ethnie, on aura plus ou moins de chance d’être accepté. À la fin, tout s’embrouille dans leur esprit, c’est un bric-à-brac et il est impossible de revenir en arrière. »
Anne-Laure Le Cardinal, psychologue, explique que, par ailleurs, certains jeunes traumatisés ont du mal à évaluer la durée des événements. « J’ai rencontré une jeune congolaise dont la maman était en prison. L’Office des étrangers lui a demandé combien de temps avait duré le trajet jusqu’à la prison, et elle a dit “deux jours de bus”. Ils ont répondu que ce n’était pas possible car il n’y a pas de prison à deux jours de bus de là où elle vivait. Mais il faut imaginer l’enjeu relationnel de la fillette qui va voir sa maman en prison. Il y a une rupture affective importante. Si ça se trouve, le trajet n’a duré qu’une demi-journée, mais ça lui a semblé long. Ou au contraire, ça a duré plus longtemps mais elle était tellement contente de voir sa maman qu’elle en a oublié la durée du trajet. »
« Quand on demande à un jeune de construire un récit dans le but d’obtenir des papiers, on l’ampute d’une part de sa santé mentale. »
Benoît Tielemans, docteur en sciences de l’Éducation
Pour certains jeunes – surtout des garçons, il est impensable de reconnaître avoir été victime de sévices sexuels, même lorsque leur régularisation est en jeu. Nadine Lino se souvient d’un cas en particulier : « Deux semaines avant l’audition au CGRA, il m’a “avoué” s’être fait violer sur la route. J’ai dû le convaincre qu’il fallait le dire. Mais jusqu’à la veille, j’ignorais s’il allait oser. On a dû interrompre deux fois l’interview tellement c’était difficile pour lui de raconter cet épisode. Ça m’a marquée, je me suis dit que si on n’avait pas fait ensemble ce travail de préparation à l’entretien, il serait passé à côté de ses droits. »
Combien mesure ta mère ?
Les questions posées lors des entretiens ne sont pas toujours adaptées à l’âge des ados. « Ils m’ont demandé ce qui était écrit sur telle église dans mon village, l’âge et la taille de ma mère, se souvient Zico. Chez nous, on ne fait pas attention à ça, mais ils m’ont dit que ce n’était pas normal que je ne sache pas. Ils veulent absolument une réponse et essaient de t’obliger à savoir. Mais à 14 ans, t’es pas prêt mentalement : tu ne sais pas qu’il va falloir retenir ces choses parce qu’on va te poser des questions d’adulte dans ton nouveau pays. »
Les professionnels de santé mentale sont formels : arracher son histoire à quelqu’un peut avoir de lourdes conséquences sur le psychisme. « On ne peut pas se construire si on ne peut pas se raconter en toute sécurité », analyse Benoît Tielemans, docteur en sciences de l’Éducation. Au travers du récit autobiographique, il a accompagné de nombreux jeunes de l’Aide à la jeunesse en leur permettant d’ouvrir les cages de leurs souvenirs. Une méthodologie qui n’a pourtant pas fonctionné avec les Mena. « Ces jeunes ne pouvaient pas s’historiciser. On existe parce qu’on fait une histoire d’un passé dont on se souvient, et en même temps on tisse un peu une fiction. Quand on demande à un jeune de construire un récit dans le but d’obtenir des papiers, on l’ampute d’une part de sa santé mentale. Si vous voulez induire une pathologie à un jeune, eh bien, je crois qu’on a trouvé la méthode. »
Depuis quelques années, différents symptômes traumatiques (pensées intrusives, évitement, agitation, vigilance extrême) sont constatés chez de nombreux Mena qui arrivent en Belgique. Anne-Laure Le Cardinal prévient : « On en fait des adultes fragiles car on a creusé en eux une maltraitance institutionnelle. Pour certains, il est écrit sur le document de refus qu’il n’est pas possible qu’ils soient mineurs car leur âge n’est pas compatible avec la maturité dont ils auraient dû faire preuve pour affronter ce qu’ils ont subi durant leur parcours. » Et c’est là le danger : voir en eux non pas des mineurs, mais bien des menteurs étrangers non accompagnés.
Décembre 2015
Monsieur Theo Francken (Secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration de 2014 à 2018, NdlR),
En tout, j’ai demandé l’asile à la Belgique à six reprises. À chaque fois, vous avez décidé que je n’entrais pas dans les conditions. J’ai appris votre langue, je me suis formé pour devenir maçon. Grâce à ma famille d’accueil, j’ai pu m’ouvrir et me faire des amis. J’ai raconté mon histoire des centaines de fois, à mes voisins, dans des écoles et même à l’université. Aucune de ces personnes n’a jamais douté de mon histoire. Cette écoute et cette confiance m’ont fait du bien. Aujourd’hui, je n’attends plus rien de vous. Je vais demander la protection à un autre pays. Je vais devoir repartir de zéro, car, en Belgique, je n’existe pas. Pour vous, il n’y a que les papiers qui comptent. Alors, je vous le répète une dernière fois : je ne suis et n’ai jamais été un menteur.
Yaguine
Cette série a été réalisée avec le Fonds pour le journalisme en Fédération Wallonie-Bruxelles et publiée par Médor. Ce magazine peut être découvert pendant un mois gratuitement sans engagement, via ce lien : medor.coop/essai