Sara : « Dans le centre d’asile, certains avaient peur de moi »

En février, deux hommes accusés de « sodomie » ont été exécutés en Iran. Neuf mois plus tôt, un Iranien se définissant comme « homosexuel non-binaire » était enlevé par sa famille, avant d’être tué. Dans ce pays du Moyen-Orient à majorité chiite, l’orientation sexuelle qui ne rentre pas dans les normes constitue un crime. L’homosexualité y est punie de flagellation pour les femmes, de peine de mort pour les hommes. Sara*, homosexuelle, est de celles qui risquaient pour leur vie en Iran. Elle a fui son pays pour la Belgique en quête de liberté. Pendant des mois, elle y a pourtant vécu « sans espoir ».

La jeune femme a délaissé les problèmes avec le gouvernement iranien pour d’autres problèmes ici, en Belgique. En quittant son pays, Sara n’aurait jamais pensé avoir de nouveau à cacher qui elle était, avoir de nouveau peur d’être elle-même. Après avoir obtenu un visa pour la Belgique, elle rejoint sa famille dans un autre pays européen pour quelques temps. Le séjour est de courte durée. Ses proches n’acceptent pas son orientation sexuelle et elle finit par déposer une demande d’asile dans le pays. Sara revient ensuite en Belgique pour respecter le règlement Dublin. Ce dernier permet de « contrôler et de limiter les mouvements à l’intérieur du territoire de l’UE » chez les demandeurs d’asile, rappelle le Ciré. La demande doit alors être examinée dans le pays qui lui a octroyé un visa. 

Deux ans de procédure

Le temps d’obtenir le statut de réfugiée, la jeune femme est envoyée dans un centre d’accueil pour demandeurs d’asile. « Mon séjour là-bas a été horrible », dit-elle. « J’ai dû, encore une fois, cacher qui j’étais aux gens qui étaient dans le centre. Certains ont compris des choses à propos de moi et m’ont beaucoup embêtée. D’autres avaient même peur de moi »À cause de la pandémie de Covid-19, la procédure de demande d’asile s’allonge. Les entretiens avec le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA), dernière étape avant l’obtention du statut, sont annulés. Pendant le premier confinement, aucun entretien individuel n’est organisé. Les problèmes à l’intérieur du centre, eux, ne s’arrêtent pas. Sara demande de l’aide à son assistante sociale mais rien ne peut être fait. « J’ai même introduit une demande pour changer de centre, appuyée par une lettre de mon psychologue et de la RainbowHouse. Les responsables ont seulement répondu que ce n’était pas possible, raconte-elle. À ce moment-là, je n’avais aucun espoir pour mon futur ». Pendant des mois, la jeune femme doit subir, continuer à se cacher.

« J’étais effrayée que les autres personnes comprennent que j’étais homosexuelle »

Les démons du passé

Se cacher, Sara l’a fait toute sa vie. « Quand j’ai compris que j’étais homosexuelle, je ne l’ai dit à personne, se souvient-elle. Et je pense que tout le monde devrait faire ça. Si tu ne le caches pas, tu es en danger. Les personnes LGBT ne sont pas acceptées chez nous ». Sara est adolescente quand elle comprend qu’elle est attirée par les femmes. Au départ, elle ne sait pas très bien ce qu’il lui arrive. En Iran, l’homosexualité est très peu abordée. Quand les médias parlent des personnes LGBT, ils utilisent des termes comme « immoral », « bestial », « malade », « sous-humain » pour les qualifier, révèle un rapport de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Après avoir lu, s’être renseignée, Sara sait qu’elle ne pourra jamais être elle dans son pays. « J’étais effrayée que les autres personnes comprennent que j’étais homosexuelle. En plus, dans la culture iranienne, les femmes ne peuvent pas vivre seules et les hommes viennent demander ta main après l’université. Si ta famille découvre que tu ne veux pas te marier, tu peux avoir des problèmes ». Certaines personnes LGBTQIA+ mentent pour repousser la chose : « Je n’aime pas ce garçon. Je ne me sens pas à l’aise avec lui« . Pour d’autres, le mariage est inévitable et « les problèmes deviennent encore plus grands ». Sara ne dévoilera pas la raison spécifique de son départ, le jour où tout a basculé. La peur est encore palpable. La seule chose à savoir, c’est qu’elle a dû fuir, et vite.

La liberté est dehors

Dans l’impasse pendant des mois à Fedasil, Sara décide de partir et de louer une chambre dans la maison d’un ami. La liberté, la vie, se trouvent finalement derrière la porte du centre. « Une fois que j’ai quitté le centre, tout a changé. Je me suis sentie libre », dit la jeune femme. Aujourd’hui, elle vit seule. Et Sara est enfin Sara. « Je suis à un endroit et, à cet endroit, je suis qui je suis. Désormais, je vais même dans des bars pour personnes LGBT. En Iran, je ne pensais pas que ça m’arriverait un jour ».

*Le prénom a été changé.