Les yézidis : une histoire riche marquée de sacrifices pour leurs croyances
Depuis toujours, les yézidis sont tous, sans exception, persécutés par leurs pairs musulmans, car ils croient en Malek Taus, l’ange-paon, apparenté au diable. Cette malédiction se poursuit toujours au XXIe siècle.
Les croyances de la communauté yézidi, qui trouveraient leurs origines dans les anciens courants religieux présents en Mésopotamie, sont désignées sous le nom de « yézidisme ». Cette appellation constitue une dérive du nom Ez dā, qui signifie « celui qui m’a créé ». Les yézidis ainsi que toutes les autres peuplades kurdes utilisent les termes Ez dā ou Xweda pour désigner leur dieu. Dans le monde entier, cette croyance est propre aux Kurdes et se transmet uniquement de génération en génération. Les rituels sont enseignés oralement et cette religion regorge de secrets. Tous les enseignements sont transmis oralement en kurmanji, un dialecte kurde qui est aujourd’hui parlé par environ 25 à 30 millions de Kurdes. Leur principal et plus ancien centre spirituel est un sanctuaire situé dans la vallée de Lalesh, à environ 60 km au nord ouest de la ville de Mossoul, dans le nord de l’Irak. Dans ce sanctuaire repose le Cheikh Adi, une figure très importante à leurs yeux qui serait décédée vers 1160. Toute personne de confession yézidie a le devoir de se rendre dans ce lieu au moins une fois dans sa vie.
Depuis la nuit des temps, les yézidis sont tous, sans exception, persécutés par leurs pairs musulmans, car ils croient en Malek Taus, l’ange-paon, apparenté au diable. Cette malédiction se poursuit au XXIe siècle. Selon leurs propres dires, les yézidis ont été attaqués 73 fois, essentiellement pendant l’époque ottomane, dans le but d’une « extermination totale ». À l’heure actuelle, la population kurde s’élève à 60 millions d’individus dans le monde, parmi lesquels seuls 700 à 800 000 sont yézidis. Les quelque 35 000 yézidis présents en Arménie représentent le plus grand groupe minoritaire du pays, où le plus grand temple yézidi du monde a été inauguré en 2019 pour permettre la pratique de leur culte. La Belgique, quant à elle, compte plusieurs milliers de yézidis. Dès lors, pour quelles raisons sont-ils persécutés ? Pour faire court, certaines dispositions de la charia sont basées sur des règles figurant dans la Sourate An Nisa, constituée de 176 versets, du livre sacré des musulmans. Le verset 89 de cette sourate contient une règle sur laquelle se fonde l’attaque de l’État islamique contre les yézidis : « Mais s’ils tournent le dos, saisissez-les alors, et tuez-les où que vous les trouviez. »
Le 3 août 2014, l’État islamique a mené une attaque dans la ville de Sinjar, située dans les montagnes de la province irakienne de Ninawa, où vivent les yézidis. Durant cette agression, des centaines de yézidis ont été abattus et les femmes ainsi que les jeunes filles capturées ont été vendues comme esclaves. De plus, alors que huit années se sont écoulées depuis ce massacre, nous demeurons sans nouvelles de milliers de disparus. Lors de cet évènement, il a été ordonné de procéder à l’extermination systématique de cette population : les hommes ont été tués alors que les femmes et les filles ont été converties à l’islam et ont été vendues comme esclaves afin que plus aucun enfant yézidi ne naisse.
Le peuple de l’ange-paon Taus
Le Parlement européen, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et la Chambre des représentants américains ont déclaré que le massacre des yézidis par l’État islamique, une organisation terroriste, relevait du génocide. En outre, dans ses rapports au Conseil de sécurité des Nations unies (ONU) et dans ses déclarations à la presse, le procureur Karim Khan, un expert en matière de législation internationale des droits humains qui a dirigé la commission d’enquête de l’ONU sur les crimes commis par l’État islamique en Irak jusqu’en 2021, a soutenu que des « montagnes » de preuves avaient été recueillies. Parmi ces dernières figurent des déclarations de témoins, des preuves médico-légales provenant de fosses communes et des données numériques présentes sur les disques durs des terroristes. De plus, la commission d’enquête aurait également trouvé des preuves « claires » et « satisfaisantes » qui prouvent que l’État islamique a commis un « génocide » contre les yézidis. Karim Khan a également déclaré : « L’intention de l’État islamique d’exterminer les yézidis physiquement et biologiquement est claire. Le massacre des membres de la communauté yézidie a été sans pitié. » Les faits sur lesquels l’expert s’est appuyé sont bouleversants et accablants.
En 2021, les belges Koen Metsu, membre de la Nieuw-Vlaamse Alliantie (N-VA) et président de la commission Lutte contre le terrorisme, et Georges Dallemagne, membre du parti Centre démocrate humaniste (CDH), ont déposé au Parlement du pays une proposition de résolution visant à reconnaître les « actes brutaux » de l’État islamique comme un génocide. À l’issue du scrutin, tous les partis politiques du pays ont voté en faveur de cette proposition de résolution et le Parlement de la capitale européenne a officiellement reconnu les massacres de masse commis en 2014 par l’État islamique à l’encontre des yézidis comme un « génocide ». Cette décision a sans aucun doute donné de l’espoir à cette communauté et a mis en lumière la solitude profonde à laquelle elle faisait face. Cependant, bien qu’il soit essentiel que les crimes génocidaires et les violations des droits humains fassent l’objet d’enquêtes dans le monde entier, ceux-ci restent impunis. Toutefois, il serait nécessaire que les auteurs de ces actes soient jugés et tenus responsables devant des tribunaux indépendants. De plus, ce sujet devrait être étudié et analysé par la communauté scientifique, les universités et les parlements démocratiques.
Le 3 août 2022, quelques citoyens se sont réunis à Bruxelles, devant les institutions européennes, à l’occasion du huitième anniversaire de cette journée sanglante. Karine Rashidova, la présidente de la Fédération kurde en Belgique, a déclaré : « Nous avons invité de nombreuses personnes et organisations, mais personne n’est venu ».
Karine Rashidova est née en Arménie dans les années 1970 et a étudié la pédagogie dans un institut à Erevan. Après avoir travaillé comme institutrice pendant plusieurs années, elle est venue en Belgique en 1991, au moment de la désintégration de l’Union soviétique. Karine Rashidova, qui maîtrisait déjà trois langues à son arrivée, a appris le néerlandais, le français et l’anglais en Belgique. Grâce à sa connaissance de six langues, elle devient rapidement traductrice pour les autorités belges, un travail qui lui forge la réputation d’une femme puissante dans la diaspora kurde. À présent, Karine Rashidova est non seulement impliquée dans la vie sociale et politique en Belgique, mais elle est également un membre actif de la commission « Femmes, société et politique » créée par le CD&V, le parti belge démocrate-chrétienne. Cependant, la pomme ne tombe jamais loin de l’arbre. En effet, son père Wezîrê Eşo (1934-2015) était un éminent intellectuel, journaliste et écrivain kurde.
À la fin de la cérémonie, Karine Rashidova a demandé aux citoyens et à la communauté internationale à ne pas oublier le génocide de Sinjar, car ce dernier met chaque jour en lumière de nouveaux problèmes et davantage de questions sur le sujet. Finalement, elle les a également appelés à donner aux personnes touchées le droit de rentrer chez elles, à se soucier du sort des réfugiés qui vivent toujours dans des camps, et à mettre fin aux pratiques destructrices à l’égard des yézidis.