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Les réseaux sociaux dans un pays jalonné de conflits ethniques.

- 3 juin 2022
Dr Antea Pavioti

Les réseaux sociaux sont perçus par certains comme des espaces de liberté absolue. Quels sont les dangers de leur usage dans un pays en proie à des conflits ethniques ? Dans un pays où les stigmates des tragédies d’un passé non résolu façonnent une rhétorique de la haine ? Le sentiment d’injustice et la notion de ‘nous’ et ‘eux’, couplés à la liberté de parole qu’offrent les réseaux sociaux, peuvent être une bombe à retardement dans un tel pays.

Valéry Muco est allé à la rencontre d’Antea Paviotti, une anthropologue italienne et chercheuse à l’Université d’Anvers en Belgique. Elle a visité le Burundi durant son travail de recherche doctoral. Ce petit pays, dont la taille est un petit peu inférieure à celle de la Belgique, se situe à cheval entre l’Afrique centrale et l’Afrique de l’Est. L’histoire du Burundi est jalonnée de plusieurs tragédies dues à des conflits entre Hutu et Tutsi, les deux principales groupes appelés « ethnies » du pays (amoko en kirundi). On peut citer les dates clés comme 1965, 1972, 1988, 1991, 1993, et plus récemment la crise socio-politique de 2015. Dr Antea Paviotti a écrit une thèse en anglais sur le rôle joué aujourd’hui par l’appartenance au groupe hutu ou tutsi dans la définition de ‘nous’ et ‘eux’ au Burundi. Les témoignages sur le passé douloureux des Burundais et la façon dont certains se considèrent sous le prisme de l’ethnisme l’ont beaucoup touchée. Dans cette interview, elle revient sur les dangers des réseaux sociaux dans la stigmatisation de l’autre et la propagation du discours de haine au Burundi. Même si elle plaide pour la nécessité d’une éducation à l’usage des réseaux sociaux, elle rejette l’idée d’une loi sur le contrôle des réseaux sociaux. Une loi qui pourrait être utilisée de manière sournoise par n’importe quel pouvoir en place contre les voix dissidentes. C’est avec émotion qu’elle raconte son expérience au Burundi. Le contraste entre l’enfer des mémoires douloureuses des familles endeuillées par les différentes tragédies dites ethniques et ce petit paradis verdoyant qu’est le Burundi l’a marquée à vie.