—  Culture  —

Passa porta Festival : l’ultime refuge de l’art

et - 25 mars 2023
Un passant regarde la fresque sur le mur de La Bourse de Bruxelles.
Un passant curieux s’arrête pour observer la toute nouvelle fresque de Cartooning for peace. © D.R.

Jusqu'au 26 mars, le Passa Porta Festival bat son plein. Au programme, de nombreuses activités avec des artistes du monde entier. Cette année la maison des littératures accueille d’une part l’ICORN, réseau de villes refuges pour les artistes. Ainsi que le collectif Cartooning for Peace qui a réalisé une fresque sur les murs de la Bourse à Bruxelles. Dans ce cadre, nous avons rencontré Cost., dessinateur d’origine russe.

Passa Porta est la maison internationale des littératures de Bruxelles. C’est un lieu de rencontre plurilingue qui permet d’échanger avec des auteurs belges et internationaux. Tous les deux ans, s’y organise un festival.

Au programme : la prix Nobel Annie Ernaux, Mohsin Hamid du Pakistan, Timothy Garton Ash, Oksana Zabuzhko d’Ukraine et bien d’autres écrivains. L’événement se déroule à Bruxelles jusqu’au 26 mars, et propose 70 activités avec pour thème commun le refuge. Une thématique explorée au travers de visites guidées, de discussions, de concerts littéraires au Théâtre national, ou de performances.

Cette année, le festival englobe aussi l‘ICORN Network Meeting. Le réseau accueille quelque 300 écrivains, journalistes ou artistes en exil dans 80 villes refuges.

« Être en sécurité me permet d’être la voix de ma communauté. »

                                                                      Khalid Albaih, artiste soudanais

 

Bruxelles est l’une de ces villes refuges. Ce n’est pas étonnant lorsque l’on sait que Karl Marx, Victor Hugo ou Friedrich Engels, alors en exil, ont foulé le pavé de la Grand-Place. Cette année, un mouvement a choisi, non pas d’écrire sur ce thème, mais de le dessiner. Cartooning for Peace est une association de dessinateurs de presse fondée par Plantu, Kofi Annan et Patrick Chappatte. Ces as du crayonné ont investi le chantier de la Bourse. L’endroit choisi n’est pas anodin, c’est la première fois que le collectif affiche ses dessins dans un lieu public en extérieur.

Sur la longue fresque, intitulée « Tous migrants !« , on peut voir les œuvres, entre autres, du Soudanais Khalid Albaih, des Italiens Gatto et Marco de Angelis, de l’Iranien Firoozeh ou encore du dessinateur belge Cost. Ce dernier y présente un dessin sur le thème du mur. « Il est inspiré de celui qui sépare Israël de la Palestine. Le mur par essence, cest une frontière, un château fort, il faut le prendre dassaut. »

Sur son œuvre, on peut voir un long mur, dont l’une des parties a été décalée et sert de tableau d’écolier. « Lidée, en dehors des poncifs comme quoi il faut abattre tous les murs, cest clairement quil faut utiliser les murs comme un support à l’éducation pour un vivre ensemble. »

Cost. ou Constantin Sunnerberg © D.R.

Cost. ou Constantin Sunnerberg est d’origine russe. Notre rencontre a lieu près de la fresque, dans un café. Le dessinateur de 53 ans, est calme et très avenant « On peut se tutoyer si tu veux, il ny a pas de souci« .

À 10 ans, il quitte l’URSS  pour venir s’installer en Belgique avec sa mère. « Ma mère n’avait que des mauvaises fréquentations pour l’époque. » Elle est graphiste et côtoie des dissidents au régime soviétique. Lors d’une permission de trois mois pour sortir du pays, elle s’enfuit définitivement et s’installe en Belgique.« À la base, j’ai juste suivi ma mère, et on est arrivés en Belgique parce qu’on nous donnait un appartement. Nous, on arrivait sans un sou, sans travail donc c’était quand même plus simple. »

Constantin Sunnerberg n’est jamais retourné dans le pays de son enfance. Et depuis le début de la guerre en Ukraine, la situation s’est complexifiée. Il est maintenant « clairement sur les listes rouges en Russie » pour ses dessins contre l’invasion russe.

Spirou et Lucky Luke

Le dessin a toujours été en lui, à 7 ans, il illustre son premier livre. Il se souvient encore de sa rencontre avec la bande dessinée, la découverte du magazine « Spirou », dans lequel il a pu lire pour la première fois les aventures de Lucky Luke. Il faut dire que c’était différent de ce que l’URSS proposait comme lecture jeunesse. « La lecture pour enfant en URSS était très politisée. On racontait beaucoup lhistoire de Pavlik Morozov. Un jeune de larmée qui s’était jeté devant une mitrailleuse pour l’étouffer et permettre de prendre le blockhaus.« 

Bien loin donc du cow-boy qui s’acharne à rattraper inlassablement les Daltons dans le grand ouest américain.

 

Oeuvre « Lightouse » © Cost.

 

« Le dessin n’est pas une bombe, c’est juste l’expression d’une idée. »                                                                                                                         

La rencontre s’est faite avec Cartooning for peace il y a quelques années. Cost. se rappelle de son envie d’entrer dans le collectif. « C’est une cause qui me concerne en premier lieu, même si je ne suis pas poursuivi, ni même spécialement censuré. C’est une cause qui est essentielle. »

Pour le dessinateur, c’est important d’éduquer au travers de son art. « Le dessin n’est pas une bombe, c’est juste l’expression d’une idée. Les idées, tu peux ne pas être d’accord avec ton voisin, mais c’est pas une raison pour le taper. »

L’artiste déplore la censure envers de plus en plus de dessinateurs. D’après lui, la caricature fait beaucoup plus peur qu’avant, certains dessinateurs sont même tués pour leur travail. Et ce, dans des pays où il n’y avait pas de problèmes de liberté d’expression auparavant.