—  Droits humains  —

Vers une reconnaissance des déplacés climatiques ?

Selon l’UNCHR, 32 millions de personnes ont été déplacées suite aux catastrophes météorologiques, soit une augmentation de 41 % par rapport à 2008. ©DR

L'augmentation des catastrophes naturelles accroît le nombre de personnes déplacées dans le monde. Des solutions juridiques et humanitaires doivent être urgemment prises. Certaines organisations internationales militent pour l'introduction d'un «passeport climatique».

La multiplication des phénomènes climatiques extrêmes constitue aujourd’hui l’une des plus grandes menaces pour la population. D’après l’Indice de Risque Mondial, trois zones géographiques pourraient être fortement touchées : les pays du Sud-Est de l’Asie, certains pays d’Amérique latine et une grande majorité du continent africain. Ces événements dévastateurs contraignent de plus en plus de personnes à abandonner leur foyer, confrontées à des conditions environnementales devenues inhospitalières et souvent dangereuses.

Selon Samuel Lietaer, sur le continent africain, actuellement 3% des personnes fortement touchées par le changement climatique vont émigrer vers le continent européen [Document traduit de l’allemand au français par Maurine Sanchez] ©Présentation de Samuel Lietaer intitulé «Quels liens entre changement climatique et migration ?»
Ces événements, connus sous le nom de déplacement, posent des défis complexes et urgents, surtout quant à la reconnaissance juridique et au traitement des individus touchés. « En fait, en termes juridiques, ça n’existe pas les réfugiés climatiques, car ils ne sont pas reconnus dans la convention de Genève de 1951 (relative au statut des réfugiés, NdlR)», explique Samuel Lietaer, responsable du plan et de la stratégie d’adaptation nationale au sein du service fédéral Changements climatiques

Face à cette crise mondiale, il est nécessaire d’examiner de près les questions de reconnaissance légale de ces personnes déplacées. Comment élaborer des solutions durables et humaines pour répondre aux défis de protection des droits et d’assistance aux personnes déplacées, en prenant en compte les approches juridiques nationales et internationales ?

Définition et nature des migrations climatiques

Le concept de réfugié climatique est complexe à définir en raison des défis juridiques et politiques associés à son statut. Aussi appelés migrants environnementaux, ce sont des personnes contraintes de quitter leur lieu de résidence en raison des effets du changement climatique. Ces effets comprennent à la fois des événements climatiques soudains et des changements environnementaux progressifs.

Ces deux types d’effets du changement climatique ont un impact significatif sur les populations, entraînant des déplacements de différentes natures et des pressions accrues sur les moyens des communautés touchées. © Marine Giacometti

Les catastrophes climatiques soudaines entraînent des déplacements temporaires. Tandis que les changements environnementaux progressifs causent des déplacements plus lents, souvent liés à des facteurs socio-économiques tels que la baisse des revenus agricoles. 

Les défis de la reconnaissance juridique

Les divergences dans les termes utilisés pour décrire les réfugiés climatiques sont principalement liées à des considérations politiques et juridiques. Certains pays et partis politiques craignent que la reconnaissance du statut de réfugié climatique n’ouvre la voie à un afflux massif de demandeurs d’asile. Il est complexe de définir précisément les critères pour définir les réfugiés climatiques en raison de la multitude de facteurs impliqués dans les migrations.

« Si on utilise le terme « réfugiés climatiques », cela inclut les droits et les obligations liés aux réfugiés qui sont reconnus par la Convention de Genève. Les pays d’accueil craignent donc de ne pas pouvoir remplir correctement ces responsabilités  » – Samuel Lienaer.

Qu’est-ce que la Convention de Genève ? 

Selon l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR), la Convention de Genève, officiellement la Convention du 28 juillet 1951, établit les procédures pour l’octroi du statut de réfugié par un état et y énonce les différents droits dont ils peuvent bénéficier. Ce document juridique se divise en 6 chapitres, tous listés par l’Organisation des Nations Unies des Droits de l’Homme :

  1. La définition du concept de réfugié.
  2. Les différentes explications relatives aux éléments de la définition de réfugié et aux conditions de reconnaissance de ce statut.
  3. Les clauses d’exclusion.
  4. L’annulation du statut de réfugié octroyé.
  5. Le retrait de la qualité de réfugié.
  6. Le titre de séjour octroyé à la personne reconnue réfugiée.

Aujourd’hui, cette convention est souvent remise en question par la communauté scientifique, notamment pour sa définition de la notion de réfugiés. Dans le premier article du document, on définit le réfugié comme une personne qui, « par la suite d’événements survenus et craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ».

« Plutôt que de parler de « réfugiés climatiques » il est plus correct de parler de « personnes déplacées dans le contexte des catastrophes naturelles et du changement climatique », confirme Frederik Bordon, chargé de la communication de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR). 

La vulnérabilité socio-économique des populations joue un rôle crucial dans leur propension à être touchées par les effets du changement climatique. Même si les risques physiques eux-mêmes sont moins élevés que dans d’autres régions. La démographie et la taille de la population peuvent également influencer le nombre de personnes susceptibles d’être déplacées.

Il est important de noter que les projections concernant le nombre de réfugiés climatiques varient en fonction des définitions utilisées et des méthodologies appliquées. Certains rapports se concentrent uniquement sur les déplacements internes au sein d’un pays, tandis que d’autres incluent les migrations internationales. Comme l’indique Samuel Lietaer : « Il est crucial de prendre du recul par rapport aux chiffres sensationnels qui circulent dans les médias, comme celui d’un milliard de réfugiés climatiques d’ici 2050. Ces chiffres sous-entendent généralement des déplacements transfrontaliers, ce qui est nécessairement international. Cependant, le rapport de la Banque Mondiale se concentre uniquement sur les déplacements internes au sein des pays. »

Quel soutien reçoivent les réfugiés climatiques? 

Les organisations internationales telles que les ONG jouent un rôle crucial dans la protection des droits et du bien-être des réfugiés climatiques. 

Tout d’abord, les ONG s’engagent à promouvoir la reconnaissance du statut de réfugié climatique. Ainsi que l’adoption de politiques adaptées dans les pays d’accueil. Ensuite, elles déploient des efforts sur le terrain pour fournir une assistance directe. Ces interventions se concentrent souvent sur la reconstruction socio-économique des communautés déplacées, en leur offrant des formations professionnelles et en facilitant leur intégration dans de nouveaux secteurs d’activité économique.

Une piste : le passeport climatique 

« L’idée d’introduire un « passeport climatique » pourrait offrir une piste intéressante pour reconnaître formellement la situation des personnes affectées par les changements climatiques », clarifie Samuel Lienaer.

Ce passeport pourrait être basé sur des critères objectifs établis par des rapports d’organisations internationales. Celui-ci offrirait à ces personnes la possibilité d’obtenir le droit d’asile ou de vivre temporairement ou de manière permanente dans d’autres pays. 

Les politiciens seraient-ils prêts à répondre à l’appel des réfugiés climatiques avec une politique empreinte de volonté guidée par la solidarité et la justice ?

Cet article a été rédigé par des étudiant.es en MA2 de l’ULB et de la VUB sous la coordination de Milan Augustijns, Alexandre Niyungeko et Lailuma Sadid.