L’Ubuntu inspire la communauté burundaise à la solidarité financière
L’Ubuntu International Association, une ASBL qui rassemble une centaine de Burundais vivant en Belgique, rime avec solidarité et autodéveloppement. Elle ambitionne même de se transformer en une ONG à caractère écologique pour le développement durable.
L’Ubuntu, c’est la philosophie humaniste autour de la fraternité et du vivre ensemble, le « Je suis car tu es » existe dans presque toutes les langues bantoues (Afrique australe et orientale). Ce concept dégage en lui toute la beauté de la nature humaine : le désir du vivre ensemble, l’ouverture à l’autre, la conscience d’exister avec les autres. Ou disons tout simplement cet état d’esprit, cet art de vivre qui nous pousse vers une solidarité sans conditions. Cette philosophie est ancrée dans la culture burundaise depuis des siècles. Cet art de vivre est donc devenu la pierre angulaire de l’association Ubuntu.
Selon l’office belge de statistique Statbel, environ deux tiers de la population était belge d’origine belge au 1er janvier 2021, et près de 20% d’origine étrangère. Et un peu plus des 12% restants sont des étrangers qui vivent en Belgique, n’ayant pas la nationalité belge. Dans le top 5 des nationalités étrangères vivant en Belgique, il y a par ordre d’importance, les Marocains, les Italiens, les Français, les Néerlandais et les Turcs.
Parmi les étrangers vivant en Belgique, il y a une partie non moins importante de réfugiés, dont la majorité vient d’Afghanistan, de Syrie, d’Irak, d’Érythrée, de Palestine, de Somalie et de Turquie. A part l’Erythrée, les autres pays de l’Afrique subsaharienne sont la Guinée, la République Démocratique du Congo, le Burundi et le Rwanda. Les trois derniers ayant été colonisés par la Belgique.
Alors comment s’intégrer facilement dans un tel pays multiculturel ? L’intégration de toutes ces personnes étrangères passe par l’enseignement pour les plus jeunes, la formation pour les adultes et leur insertion sur le marché du travail. Oui, mais est-ce si facile d’être assimilé par un autre mode de vie, trouver sa place dans cette mosaïque de cultures ? Comment garder sa propre culture, son identité, tout en s’intégrant dans ce nouveau monde ?
Pour comprendre comment ces étrangers arrivent à s’intégrer dans la nouvelle société d’accueil, nous sommes allés à la rencontre de Dieudonné Bashirahishize. Cet avocat activiste burundais préside le conseil d’administration de l’Ubuntu International Association (UIA). Il est également un des membres fondateurs de cette association. Une ASBL (association sans but lucratif) qui rassemble une centaine de Burundais vivant en Belgique. En 2015, Dieudonné Bashirahishize a fui la répression du régime dans son pays en se réfugiant au Rwanda, avant de rallier la Belgique en 2018.
Il a ensuite intégré la communauté burundaise de l’Université catholique de Louvain (UCL). Les week-ends sont des moments de rencontre entre ces étudiants burundais et d’autres compatriotes vivant dans d’autres régions de Belgique. Histoire de « garder le contact avec le pays ».
Petit à petit, une idée de renforcer ces liens entre compatriotes à travers une association se développe au sein du groupe. Car l’union fait la force. La naissance de l’UIA commence avec la volonté de se rassembler autour d’un idéal commun comme l’explique Dieudonné Bashirahishize : « L’association a d’abord existé comme une association de fait sans personnalité juridique. Au début, elle rassemblait des immigrés, qui, arrivés en Belgique, ont besoin d’un certain repère, avec l’envie de s’intégrer dans la société d’accueil sans toutefois se départir des valeurs qu’ils ont puisées dans leur pays d’origine. C’est pourquoi l’association se dénomme Ubuntu. »
De nombreux défis
Parmi les nombreux défis auxquels sont confrontés les immigrés se trouve l’accès au crédit. L’association Ubuntu intègre non seulement le volet solidarité, mais également l’aspect financier. Pour Dieudonné Bashirahishize, mettre l’être humain au centre de ses activités reste le mot d’ordre de l’association : « Nous avons voulu embrasser la diversité sans toutefois oublier la valeur d’Ubuntu qui a sa place dans ce monde caractérisé par l’individualisme qui ignore la solidarité. » L’UIA, agréée comme ASBL en juillet 2021, se met très vite en relation avec Financité, une autre ASBL bruxelloise spécialisée dans le financement alternatif. Une structure dénommée CAF (communauté autofinancée) est créée afin de permettre aux membres de l’UIA d’avoir accès à de petits crédits. « Ces crédits sont essentiellement octroyés pour payer la garantie locative, les frais de déménagement, l’équipement mobilier et autres », précise D. Bashirahishize.
Une branche de l’association octroie une aide sociale aux membres lorsqu’il y a un évènement heureux (mariage, naissance…) ou malheureux (décès, levée de deuil…) qui survient dans les familles. Mais, comme il le souligne, l’association a plus d’ambition : « Nous prévoyons de créer les conditions d’accompagnement de nos membres qui souhaitent créer une coopérative à finalité sociale. »
105 membres
Dans son plan stratégique à moyen et long terme, l’UIA se donne aussi l’ambition d’avoir un impact positif dans le milieu où l’association est enregistrée. « Nous sommes aussi actifs dans le domaine de la transition écologique et du développement durable ». Des conférences thématiques sont organisées pour l’instant en ligne à cause des restrictions liées à la pandémie de Covid-19.
Aujourd’hui, l’association compte 105 membres dont plus des deux tiers sont en Belgique depuis trois ou cinq ans. Ils sont en majorité des réfugiés. D. Bashirahishize précise que l’UIA n’a pas la vocation d’accueillir uniquement cette catégorie de citoyens : « Toute personne intéressée par le projet social que nous portons et qui désire intégrer l’association est la bienvenue », souligne-t-il. Pour le moment, ce sont des personnes qui habitent uniquement en Belgique qui peuvent adhérer à l’association, vu qu’elle est de droit belge. La loi réglemente le changement du statut de simple ASBL à une association de portée internationale. Ce qui donne des idées au président du CA de l’UIA pour qu’un jour elle puisse changer de statut et s’ouvrir à des adhérents vivant en dehors de la Belgique. «Nous murissons l’idée de transformer plus tard l’association en une ONG qui pourrait s’implanter et réaliser des activités diverses, vu que nous avons des ressources humaines intéressantes au sein de notre association. Parmi les membres d’UIA, nous avons des diplômés en doctorat, en master, dans des domaines variés. »
Conseils, accompagnements
L’UIA vit des cotisations mensuelles de ses membres et une partie des fonds est réservée à la création d’une coopérative à finalité sociale. Objectif : investir dans l’immobilier pour contribuer à réduire les difficultés liées à l’obtention d’un logement pour les nouveaux arrivants en Belgique ou pour les personnes à faible revenu comme les étudiants. « En constituant un montant de base conséquent, les membres de l’association comptent ensuite solliciter l’appui des structures financières spécialisées dans la réalisation de leur projet de coopérative », souligne D. Bashirahishize.
Ce projet de coopérative est encore à l’étude et l’association essaie de les accompagner pour trouver des partenaires qui pourraient prodiguer des conseils dans la création de cette coopérative. Y aurait-il des difficultés légales pour les réfugiés qui désirent entreprendre en Belgique? Dieudonné Bashirahishize affirme que non : « La loi belge encourage toute personne qui désire entreprendre pour contribuer dans la société d’accueil. Il n’y a pas de discrimination quant à l’attitude d’entreprendre. Des institutions d’accompagnement ont été créées en Belgique. »
Avec une cotisation mensuelle de 50 euros par membre, l’association Ubuntu se donne les moyens d’atteindre ses objectifs à moyen terme. Grâce à l’encadrement et l’accompagnement des institutions financières, la création d’entreprise visée par l’UIA va générer de l’emploi et l’insertion professionnelle de ses membres.