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“Si Erdoğan perd les élections, il voudra changer les résultats”

- 24 January 2023
Milletvekili genel seçiminin ardından kesin olmayan sonuçlara göre partilerinin barajı aşması üzerine Halkların Demokrasi Partisi (HDP) Van İl Başkanlığı, kent merkezindeki Musa Anter Parkı Meydanında kutlama mitingi düzenledi. Kutlamaya katılan HDP Eş Genel Başkanı Figen Yüksekdağ (Fotoğraftaki), vatandaşları selamladı. (Özkan Bilgin – Anadolu Ajansı)

Emprisonnée depuis sept ans, Figen Yüksekdağ est l'une des principales figures de l'opposition turque. Entretien depuis sa cellule.

Je connais Figen Yüksekdağ depuis de nombreuses années. J’étais à l’université lorsque l’on s’est rencontrées. On partageait la même maison. Elle est devenue mon amie, ma camarade, ma confidente. Nous avons traversé de nombreux moments difficiles ensemble.

J’ai choisi d’être journaliste. Elle, de son côté, s’est engagée pour défendre les droits des travailleurs et des travailleuses, jusqu’à prendre la direction d’un parti politique. En 2014, elle est devenue co-présidente du Parti démocratique des peuples (HDP, gauche prokurde). Figen Yüksekdağ a aussi, été élue députée de Van (ville située à l’est de la Turquie) lors des élections de juin 2015.

Cette année-là, comme de nombreuses personnes en Turquie, ma vie et celle de Figen ont radicalement changé. Elle a été arrêtée le 4 novembre 2016, en même temps que des députés du HDP. Quant à moi, j’ai dû quitter mon pays à cause des peines de prison prononcées pour les livres que j’ai écrits.

Figen est toujours en prison, alors que la Cour européenne des droits de l’homme a jugé qu’elle “devait être libérée”, comme d’autres députés du HDP. A cinq mois des élections législatives, j’ai eu l’occasion d’interviewer Figen. Par écrit, grâce à ses avocats.

Avez-vous la possibilité de suivre l’actualité politique depuis votre cellule ?

L’isolement strict dans les prisons nous empêche de suivre les développements politiques. Nous ne pouvons pas regarder les chaînes de télévision indépendantes ou d’opposition. Les journaux et magazines qui nous intéresseraient sont également interdits. Le recueil de poésie que j’ai écrit a, également, été confisqué au motif qu’il faisait l’objet d’un ordre de confiscation et de destruction. Les prisonniers malades ne sont pas, non plus, libérés. L’accès aux soins de santé est impossible. Des dizaines de détenus ont été battus à mort et poussés au suicide en raison des tortures psychologiques et physiques infligées. Dans la prison où je suis incarcérée, Garibe Gezer s’est suicidée après avoir subi des violences et des tortures sexuelles.

Vous êtes incarcérée depuis six ans. Comment expliquez-vous votre détention ?

L’AKP (Parti de la justice et du développement, islamo-conservateur, NdlR) et Recep Tayyip Erdoğan (le président turc, NdlR) ne pouvaient plus se maintenir légitimement au pouvoir lors des élections de juin 2015. Ce dernier n’a jamais accepté cette défaite et il attaque systématiquement le HDP et les politiciens qui lui ont fait subir ce revers. Leur pouvoir s’est progressivement affaibli, mais ils sont restés à la tête du pays par la force. En nous emprisonnant, ils essaient peut-être de gagner six ans de plus.

“Aujourd’hui, on ne peut plus dire que la Turquie est une démocratie”

Comment définiriez-vous le régime actuel ? 

Aujourd’hui, le gouvernement turc respecte le jeu électoral. Mais les maires élus par le peuple sont révoqués et arrêtés, puis remplacés par des fonctionnaires nommés par le gouvernement. Les députés sont démis de leur fonction et emprisonnés, en ignorant la volonté de la société. Le parlement et les administrations locales sont devenus une simple vitrine. Aujourd’hui, on ne peut plus dire que la Turquie est une démocratie. Le régime est religieux et réactionnaire. C’est l’un des pires types de fascisme.

Des élections doivent se dérouler en 2023. Cependant, certains pensent que l’AKP ne veut pas les organiser. Selon vous, ces élections auront-elles lieu ?

Oui, il y aura une élection. Mais la pression sera très forte. Les sept dernières années ont été caractérisées par des élections, dont les résultats n’ont pas été reconnus. Elles ont, d’ailleurs, été annulées, une fraude électorale a été commise. C’est un secret de polichinelle en Turquie. C’est juste qu’il n’y a pas eu de forte réaction ni de résistance.

En 2019, lorsque les élections locales à Istanbul ont été annulées et réorganisées, le gouvernement a perdu encore plus largement. Il y a eu une réaction générale et une mobilisation dans la rue contre la corruption électorale et l’ingérence dans les urnes sous la pression, la force et la menace. Cependant, l’élection législative et l’élection présidentielle de 2023 sont cruciales. Il faudra donc être encore plus vigilant.

Erdoğan n’a pas reconnu les résultats des élections du 7 juin 2015 et a été réélu le 1er novembre.  Acceptera-t-il cette fois les résultats des prochaines élections ? Pensez-vous que le règne d’Erdoğan prendra fin avec ces élections ?

Erdoğan et l’AKP sont intervenus à plusieurs reprises dans l’organisation du Haut Conseil électoral, en changeant sa structure indépendante. Ils ont changé la loi sur les élections et les partis. La violence et les provocations créent un climat de peur, affaiblissant les conditions d’élections libres. L’AKP et Erdoğan ont transformé chaque élection en guerre et en chaos. La pression sur la presse et les institutions démocratiques sont plus fortes. Le HDP, l’un des plus forts opposants au pouvoir, jouera un rôle déterminant sur le résultat de ces élections.

Selon les sondages, Erdoğan semble avoir perdu. Mais il essaie déjà de changer ce résultat. Raison pour laquelle, le mouvement démocratique devra être fort.

“Il est inacceptable que l’Europe soutienne ouvertement ce pouvoir”

Pensez-vous que les pays de l’Union européenne aient une responsabilité dans cette situation ?

L’Union européenne et principalement l’Allemagne, sont parmi les principaux responsables. Les États-Unis, aussi, au départ. Mais dernièrement, c’est surtout l’UE qui a soutenu le pouvoir en place. La raison : les discussions autour de l’immigration. Le gouvernement n’a pas laissé passer des millions de réfugiés de guerre en Europe. En échange, l’UE n’a pas fait mention des attaques anti-démocratiques ni des opérations militaires contre le peuple kurde. Bien que nous ne nous attendions à aucune réaction de sa part, il est inacceptable que l’Europe soutienne ouvertement ce pouvoir et qu’il le légitime.

Y a-t-il un message que vous souhaitez faire passer ?

Ne perdons pas espoir et luttons.