Fabian Mendoza : « Je suis là car mon pays m’a laissé échouer »

À seulement 19 ans, la vie de Fabian n’a pas été de tout repos. Ce jeune Vénézuélien à l’air timide a dû quitter son pays à l’âge de 12 ans. Lui et sa famille sont arrivés en Belgique en novembre 2018, à la suite de menaces proférées à l’encontre de sa mère. Pratiquement 7 ans après son arrivée, le jeune homme s’apprête à terminer ses études secondaires.
Le départ de Fabian Mendoza n’a malheureusement rien de surprenant. Le Venezuela baigne dans un contexte politique instable depuis plus de 10 ans. Amnesty International a accusé à plusieurs reprises son gouvernement de ne pas respecter les droits humains.
En raison des nombreuses répressions des opposants politiques, le nombre de réfugiés ne fait qu’augmenter.
C’est ce qui est malheureusement arrivé à Fabian et à sa famille.
Un départ inévitable
Le jeune homme est né et a grandi au Venezuela. Sa mère, professeur à l’université, s’est rebellée à de multiples reprises contre le gouvernement. S’en sont suivis du harcèlement et de réelles menaces de mort. La famille s’est alors vue contrainte de partir.
L’expression du jeune homme laisse transparaitre une ombre d’amertume lorsqu’il raconte : «On a dû vendre quasiment toutes nos affaires en deux semaines. On devait vendre le plus possible pour récolter de l’argent.»
« On a choisi la Belgique car c’étaient les billets les moins chers. »
C’est ainsi que ce garçon, accompagné de sa mère et de sa sœur, a pu fuir vers la Belgique, laissant toute leur famille derrière eux. « On a choisi la Belgique car c’étaient les billets les moins chers à ce moment », ajoute-t-il sur un ton légèrement amusé.
Une fois arrivée, la famille entame les procédures de demande d’asile. Après une nuit passée dans un centre pour réfugiés à Bruxelles, ils s’installent temporairement en Flandre Occidentale. Là-bas, leur dossier est analysé pendant un mois. Ils sont ensuite redirigés vers le « Petit Château » de Bruxelles, un centre chargé d’accueillir des demandeurs d’asile. Leur périple à travers nos frontières les amène à Quaregnon, où Fabian peut enfin retourner à l’école.
Une reprise difficile
Une fois installé, l’écolier est placé en 1ère différenciée afin d’obtenir son CEB. Cette décision le touche profondément car elle signifie un déclassement de 2 années par rapport à son niveau scolaire au Venezuela.
En effet, chez lui, la réussite académique est très importante : « Au Venezuela, rater une année c’est presque inimaginable. Quand je suis arrivé ici et que j’ai vu des gens doubler voire tripler, ça m’a réellement choqué ! » explique-t-il l’air ahuri.
« On ne se rend pas compte à quel point la langue crée une véritable barrière. »
Chaque appel avec ses amis lui rappelle leur progression alors que lui a l’impression de stagner. L’apprentissage du français lui met également des bâtons dans les roues : « Les quatre mois que j’ai passés à Quaregnon ne m’ont presque rien appris. J’ai mis deux ans pour enfin réussir à m’exprimer correctement », déclare-t-il.
C’est en rejoignant un nouvel établissement scolaire à Saint-Ghislain que Fabian arrive à s’améliorer. Pendant ce temps, la solitude fait partie de son quotidien : « Ça a été très difficile. On ne se rend pas compte à quel point la langue crée une véritable barrière. Il arrivait qu’on me demande de réaliser une activité. Je la comprenais parfaitement et je voulais la faire mais je n’arrivais pas à communiquer », raconte-t-il l’air frustré.
Durant cette période, en plus d’être seul ici, il est aussi loin de son père et du reste de ses proches, restés au Venezuela.
Choc culturel
Depuis qu’il vit en Belgique, Fabian n’a pas rencontré que des gens bienveillants. Il affirme avoir été victime de discrimination. Dans sa première école, certains élèves l’interpellent en lui disant : « Tu viens du Venezuela ? Vas-y parle Espagnol. »
Le regard hésitant, il cherche ses mots et finit par confier : « J’étais comme un objet exotique. ».
« Il m’a traité de parasite, de maladie. »
Cela ne s’arrête pas dans l’enceinte de l’école. Lors d’une excursion à Gand en 4e secondaire, un homme l’interpelle pour l’insulter : « Il m’a traité de parasite, de maladie. Le plus choquant, c’est qu’il m’a suivi pendant 1h30. Il ne m’a rien fait car j’étais avec mon groupe mais je le voyais me menacer. »
D’un autre côté, certaines différences culturelles l’amusent : « Je ne comprends pas les heures d’étude », dit-il entre deux rires, « chez moi, on te laisse lire, étudier ou trainer mais ici on doit s’assoir et travailler. »
Tourné vers l’avenir
Au fur et à mesure, Fabian s’est quelque peu distancé de la situation au Venezuela. C’est avec une pointe de regret dans sa voix qu’il dit « toujours vouloir s’intéresser à ce qu’il se passe ailleurs ce n’est pas bien, surtout quand tu es dans un nouveau pays et que tu dois t’habituer à un système complètement nouveau. Mais je suis là car mon pays m’a laissé échouer. »
Son parcours illustre la force d’un jeune homme qui a su transformer les épreuves en un avenir prometteur.
En effet, il envisage de se lancer dans des études de langues étrangères à la rentrée prochaine. Peut-être que, comme sa mère, il deviendra lui aussi professeur.
Note : cet article a été rédigé par une étudiante en 2e année de l’option Information et Communication de l’UMons, dans le cadre d’un atelier coordonné par Lorrie D’Addario et Manon Libert.