Profils de courage journalistique : le combat d’Alexandre Niyungeko pour la liberté de la presse

« Mon parcours est celui de la résilience, du courage et d'un engagement inébranlable envers les principes de la liberté d'expression. » Deux membres de Ensemble Groupe d'Aide aux Journalistes Exilés (En-GAJE) en Belgique, ont reçu le cinquième prix Profiles in Journalistic Courage de l'Université du Texas ce 28 mars 2025.
À l’annonce de cette distinction, Alexandre Niyungeko a exprimé à la fois sa surprise et sa profonde gratitude. « Cela fait des années que je me consacre à la défense de la liberté de la presse, et j’en ai payé le prix », a-t-il déclaré. « Mais je ne m’attendais pas à ce qu’une université du Texas, aux États-Unis, s’intéresse aux luttes d’un petit pays comme le Burundi et à quelqu’un comme moi. C’est vraiment une surprise, mais aussi un grand honneur. »
Il ne voit pas ce prix comme une reconnaissance personnelle mais comme un hommage à tous les journalistes qui se battent pour la vérité : « Ce prix appartient à tous mes collègues qui continuent la lutte. En tant que journaliste et président de l’Union des journalistes du Burundi, j’ai toujours été au service des autres dans cette profession. J’espère qu’ils verront ce prix comme un honneur pour nous tous. »
Réaction au prix
Alexandre Niyungeko ne sera pas seul à recevoir son prix. Il sera accompagné d’autres journalistes burundais, en particulier de femmes journalistes qui ont été emprisonnées pour leur travail. L’une d’entre elles, Agnès Ndirubusa, membre d’Ensemble Groupe d’Aide aux Journalistes Exilés (En-GAJE) en Belgique, se rendra au Texas avec lui. Malheureusement, d’autres sont toujours en prison et d’autres encore se sont vu refuser un visa, ce qui les a empêchés de recevoir leur prix en personne.
À l’approche de l’événement, il reste concentré sur l’essentiel : « Veiller à ce que les journalistes en exil et ceux qui subissent la répression poursuivent leur mission d’information du public, quels que soient les obstacles. »
Son histoire, sa résilience et son combat pour la liberté de la presse seront un puissant témoignage du courage des journalistes du monde entier.
Profils de courage journalistique
Cet événement prestigieux célèbre le journalisme sans peur et la recherche universitaire dans les médias internationaux. Le symposium de recherche des étudiants de troisième cycle présente des études novatrices sur la liberté de la presse dans le monde, l’éthique des médias et les défis auxquels sont confrontés les journalistes du monde entier.
Par ailleurs, les prix d’excellence en journalisme international récompensent des reporters exceptionnels qui ont fait preuve d’un courage, d’une intégrité et d’un impact extraordinaires dans leur travail. Organisée au Palais des Nations, cette réunion rassemble des universitaires, des journalistes et des défenseurs de la vérité et de la responsabilité dans les médias.

Plus de 200 journalistes burundais en exil
Au cours de l’événement, Alexandre Niyungeko présentera l’état actuel de la liberté de la presse au Burundi, une situation qu’il qualifie de désastreuse. Avec plus de 200 journalistes burundais vivant en exil depuis 2015, ceux qui restent travaillent dans la crainte constante d’être arrêtés, emprisonnés ou même tués. Il présentera des cas comme celui d’une journaliste emprisonnée simplement pour avoir partagé un message WhatsApp dans un groupe privé de journalistes, ainsi que des journalistes assassinés et disparus, dont un caméraman tué en 2015 et un autre journaliste enlevé en 2021.
Malgré la répression, il mettra l’accent sur la résilience des journalistes en exil qui continuent à servir le public par le biais d’initiatives médiatiques indépendantes, en veillant à ce que les Burundais restent informés. De nombreux journalistes en exil, bien que loin de chez eux, restent en contact et s’engagent à produire des informations fiables dans des conditions difficiles.
Né le 1er juillet 1975 dans le paysage rural de Rurambira, Mukike, Bujumbura, Burundi, Alexandre est le cinquième d’une fratrie de douze enfants dans une famille profondément ancrée dans l’éducation. Son père, Tharcisse Ntirubuza, un enseignant réputé, lui a inculqué une passion pour l’apprentissage et un engagement en faveur des valeurs de justice sociale qui allaient plus tard définir sa remarquable carrière dans le journalisme.
Le parcours d’Alexandre Niyungeko dans le monde des médias a commencé en 2002 lorsqu’il a rejoint la Radio et Télévision Nationale du Burundi (RTNB) en tant que reporter et présentateur de nouvelles. Tout en développant sa carrière, il a poursuivi son excellence académique, obtenant une licence en histoire de l’Université du Burundi en 2004, suivie d’un master en journalisme en 2012. Ces années de formation lui ont permis d’acquérir l’expertise nécessaire pour naviguer dans le paysage médiatique complexe du Burundi.
Un défenseur crédible et efficace
Alors que le Burundi sortait de l’ombre de la guerre civile, il a reconnu le besoin urgent d’un secteur des médias structuré et indépendant. En 2009, avec un soutien important du Centre de Solidarité – une organisation à but non lucratif dédiée à la promotion des droits des travailleurs et de la liberté de la presse – il a courageusement fondé l’Union des Journalistes du Burundi (UBJ).
Le Centre de solidarité a fourni des ressources essentielles, une formation et une orientation stratégique, permettant à l’UBJ de devenir un défenseur crédible et efficace des droits des journalistes au Burundi. Sous la direction de Niyungeko, l’UBJ est devenue une plateforme cruciale pour la promotion de la liberté de la presse, la protection des journalistes et la promotion d’une culture de l’intégrité professionnelle dans un environnement souvent hostile.
Malgré les mesures disciplinaires et les représailles professionnelles dont il a fait l’objet pour son activisme, il est resté ferme, guidé par sa vision d’une presse libre et indépendante. Les efforts qu’il a déployés pour organiser les journalistes et faire entendre leur voix ont contribué de manière significative au développement d’un paysage médiatique pluraliste au Burundi.
Forcé à l’exil
Sous sa direction, le Burundi est devenu un phare régional du pluralisme des médias, démontrant le potentiel des pratiques démocratiques dans les sociétés post-conflit. Cependant, en 2015, le paysage politique a changé de manière spectaculaire, entraînant de nouvelles mesures de répression contre les libertés de la presse.
Alexandre Niyungeko s’est retrouvé en première ligne de la lutte pour les droits des journalistes, menant des manifestations et luttant pour la libération de collègues emprisonnés. La situation s’aggravant, il a été contraint de s’exiler – une décision douloureuse mais nécessaire pour protéger sa famille et poursuivre le combat pour la liberté depuis l’étranger.
Installé à Kigali, au Rwanda, il a refusé d’être réduit au silence. Il a cofondé Radio Inzamba Agateka Kawe (RIAK), une station de radio en exil qui diffuse des informations vitales à la population burundaise, en veillant à ce qu’elle reste informée des réalités de son pays d’origine. Son dévouement sans faille au journalisme et à la vérité, même dans l’adversité, témoigne de son engagement inébranlable en faveur de la liberté de la presse.
Alexandre Niyungeko a joué un rôle essentiel dans un arrêt historique de la Cour de justice de l’Afrique de l’Est en 2015, contestant les lois restrictives sur la presse au Burundi. Son plaidoyer a non seulement offert une bouée de sauvetage à ses collègues journalistes, mais a également créé un précédent pour les droits des médias dans l’ensemble de la Communauté d’Afrique de l’Est.
« Mon parcours est celui de la résilience, du courage et d’un engagement indéfectible envers les principes de la liberté d’expression. »
Alors que la pandémie de COVID-19 balayait le monde, l’engagement de Niyungeko en faveur de l’intégrité journalistique l’a conduit à cofonder le Congrès des journalistes africains (CAJ) en 2020, dont il a été le président jusqu’en 2022. Grâce à cette plateforme, il a défendu la sécurité des journalistes et promu des approches novatrices en matière de reportage pendant les périodes difficiles.
En juin 2021, au milieu des tensions diplomatiques qui ont conduit à l’expulsion des initiatives médiatiques des journalistes burundais du Rwanda, Niyungeko a de nouveau été contraint à l’exil, cette fois-ci à Bruxelles, en Belgique. Depuis sa nouvelle base, il a dit « je continue à coordonner une équipe diversifiée de journalistes exilés à Radio Inzamba tout en transmettant son expertise journalistique en tant qu’assistant d’enseignement à temps partiel à l’Université Libre de Bruxelles (ULB).»
Une source de force et d’inspiration
Au-delà de ses réalisations professionnelles, Alexandre Niyungeko est un mari dévoué à Francine Kanyange, également journaliste, et un fier père de trois fils et d’une fille. Sa famille reste une source de force et d’inspiration, qui le motive à poursuivre son combat pour la liberté de la presse et la justice sociale.
« Mon parcours est celui de la résilience, du courage et d’un engagement indéfectible envers les principes de la liberté d’expression et de la liberté de la presse.» Il représente une lueur d’espoir pour les journalistes confrontés à l’oppression, travaillant sans relâche pour unir la communauté mondiale des journalistes burundais en exil et plaidant pour un avenir où la démocratie et la liberté de la presse prospèrent.