Vingt et un travailleurs des médias arrêtés sans motif en Turquie
Collaborateurs de médias kurdes, ils ont été privés de liberté le 8 juin. L’activité de télévisions kurdes basées en Belgique pourrait avoir servi de prétexte.
Au matin du 8 juin dernier, la police turque a perquisitionné de nombreuses adresses à Diyarbakır, une ville kurde dans le sud du pays. Au moins 21 journalistes et collaborateurs de média ont été arrêtés sur ordre du procureur général de Diyarbakır. Parmi eux figurent des membres et journalistes de l’agence de presse féminine Jinews, de l’agence de presse Mezopotamya (MA) et de l’association des journalistes Dicle-Firat (DFG).
L’un des journalistes, Mehmet Ali Ertaş, a été menotté pendant 10 heures lors des perquisitions chez lui. La police a confisqué les téléphones et du matériel informatique appartenant aux journalistes.
Des ordinateurs, des disques durs, des livres et des magazines ont également été confisqués lors du raid dans les locaux du Jinnews.
Comparus devant la justice turque, seize des journalistes ont été envoyés en prison le 16 juin, tandis que cinq autres ont été placés sous contrôle judiciaires.
Le même jour (16 juin), au moins douze personnes dont un journaliste kurde ont été arrêtées à Istanbul lors des perquisitions simultanées visant le parti politique HDP. La journaliste Saliha Aras qui travaille pour la revue « Demokratik Modernite » figure parmi les personnes arrêtées. On ignore de quoi elle est accusée.
Une autre journaliste, Inci Hekimoglu, a été arrêtée le même jour à Izmir. Les accusations portées contre elle ne sont pas connues.
« Le journalisme n’est pas un crime »
Les autorités n’ont pas communiqué les motifs de ces arrestations. L’accès aux dossiers des journalistes a été entravé par « l’ordonnance de confidentialité ».
Le vice-président du groupe parlementaire du parti politique HDP (Le Parti démocratique des peuples), Saruhan Oluç, a dénoncé l’arrestation des journalistes. « Le journalisme n’est pas un crime. Libérez les journalistes », a-t-il dit.
L’Association des journalistes Dicle Firat et la Plateforme des femmes journalistes de Mésopotamie (MKGP) ont déclaré dans un communiqué conjoint que parmi les accusations portées contre les journalistes figuraient les informations diffusées sur les chaînes de télévision kurdes « Stêrk TV » et « Medya Haber TV », toutes deux basées en Belgique.
« Nous réitérons que nous ne nous plierons pas à la politique d’oppression, de violence et de guerre. Nous rappelons une fois de plus qu’un journaliste exerçant son métier ne sera pas tenu pour responsable de la politique éditoriale des médias pour qui il travaille » ont déclaré les deux associations.
Projet d’invasion ?
Pour ces deux associations qui défendent la liberté d’expression et de la presse, les autorités turques veulent étouffer toute voix critique avant une éventuelle opération d’invasion en Syrie et en Irak.
L’armée turque a intensifié ses attaques contre le Kurdistan irakien et l’administration autonome du nord et de l’est de la Syrie, notamment depuis le 17 avril. Le président turc Recep Tayyip Erdogan a récemment annoncé son intention d’annexer une bande frontalière de 30 km de profondeur en Syrie.
« Lorsque nous regardons le passé, nous réalisons immédiatement que la presse kurde est la première cible chaque fois que le gouvernement est dans une impasse. Aujourd’hui, nos amis ont été détenus uniquement pour cette raison » a déclaré le représentant du Syndicat des journalistes de Turquie (TGS) pour la ville de de Diyarbakır, Mahmut Oral.
La Turquie est l’une des plus grandes prisons du monde pour les journalistes. Selon un rapport du DFG, au moins six journalistes ont été arrêtés au cours du seul mois de mai et dix ont été victimes de violences policières. Fin mai, 60 journalistes se trouvaient dans les prisons turques, selon DFG.
La Turquie se retrouve à la 149e place sur 180 dans le dernier Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF.