« Vivre enfant dans la migration » : des projets qui apportent des solutions
Quarante candidatures sont parvenues au Fonds Houtman, à la base de l'initiative qui vise à accompagner le développement des enfants déracinés. Sept ont été retenues.
Des dizaines de millions d’enfants sont déracinés dans le monde. La Belgique n’accueille qu’une infime partie de ceux-ci. Aujourd’hui, de nombreux projets accompagnent les enfants immigrés dans leur développement.
Parmi ces projets figure notamment « Vivre enfant dans la migration ». Lancé par le Fonds Houtman de l’Office de la Naissance et de l’Enfance en novembre 2018, sur fond de crise de l’accueil des réfugiés, cet appel à projets se focalise sur des activités non scolaires, artistiques, sportives ou de loisirs.
Quarante candidatures sont parvenues au Fonds Houtman, sept ont été retenues. Lors d’un colloque qui s’est déroulé ce 21 octobre au W:Halll, le centre culturel de Woluwe-Saint-Pierre, plusieurs activités artistiques et culturelles ont été présentées.
Il s’agissait surtout d’activités qui, selon leurs initiateurs, permettent à l’enfant de jouer seul ou avec les autres, de lire, de participer à des créations artistiques ou évènements sportifs en tant que spectateur ou en tant qu’acteur.
Selon le livre collectif « Vivre enfant dans la migration », présenté à l’occasion du colloque, ces activités ont plusieurs fonctions : apprentissages corporels et intellectuels, divertissement, expression des émotions (rire, cris…), apprentissage social, etc. Et ce, en continuité de l’apprentissage scolaire. « L’enfant a besoin d’un enchainement d’activités diversifiées qui se renforcent et qui sont conjointement cruciales pour son développement et sa santé », peut-on encore lire dans le livre.
Pour Marie-Christine Mauroy, l’Administratrice générale du Fonds Houtman depuis cinq ans, malgré le Covid-19 et le confinement, toutes les candidatures retenues sont arrivées au bout de leurs projets.
L’intérêt supérieur de l’enfant
La coordinatrice de la Plate-forme Mineurs en exil, Darya Garegani, a notamment fait un état des lieux de la situation des enfants migrants en Belgique. Elle a souligné l’intérêt supérieur de l’enfant, une notion de droit international privé introduite en 1989 par la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant.
Si cette notion est reprise depuis par de nombreuses législations nationales et supranationales, elle n’est pas pour autant respectée. Or, « les intérêts de l’enfant sont une priorité élevée », affirme Darya Garegani, insistant sur le fait que cette priorité doit passer avant toute autre considération.
Composée de 55 organisations, la Plate-forme Mineurs en exil vise notamment à coordonner les actions des professionnels travaillant avec les mineurs étrangers non accompagnés (MENA) et les mineurs accompagnés de leurs parents mais en séjour précaire ou irrégulier.
Service droit des jeunes
Au côté de Darya Garegani, l’assistante sociale du Service droit des jeunes, Khamisa El Hajaoui, affirme que l’objectif principal de ce service est de lutter contre l’exclusion sociale. Assurant une aide sociale et juridique, il veille également à ce que les institutions respectent le jeune et ses droits.
Citant l’exemple d’une jeune femme enceinte de quatre mois, mise à la porte par sa maman, elle a attiré l’attention sur les méthodes utilisées pour résoudre les problèmes de la jeune femme auprès des autorités. L’adolescente voulait en outre prolonger son séjour contre la volonté de sa maman qui ne voulait pas l’accompagner. « Dans ce cas, j’utilise souvent la méthode du pouvoir d’agir », confie Khamisa El Hajaoui.
S’épanouir à travers nos cent langages
Parmi les projets, le travail de l’ASBL ékla figurait également dans le programme. Ce projet s’articule autour d’un parcours artistique et culturel à la découverte de spectacles, et d’un atelier de création. Il a accueilli des enfants d’origine sud-américaine, mais aussi des Afghans. « Les langues étaient diverses, les cultures étaient diverses », explique Isabelle Limbort, de l’ASBL ékla. « Il y avait énormément de joie, de puissance, ils étaient chez nous chez eux. Et ça, c’est fort et beau », ajoute Sarah Colasse, de la même ASBL.
La Caravane des rêves
Le projet « La Caravane des rêves. Parce que rire est vital » de l’ASBL Clowns Sans Frontières (CMSF) faisait également partie des projets soutenus par le Fonds Houtman. Clowns Sans Frontières utilise une gamme de méthodes artistiques différentes appelées « remèdes », « outils » ou encore « ingrédients. »
« Ceux-ci sont à la base de nos interventions et constituent notre trousse de premiers soins psychologiques », selon le livre collectif. Lors du colloque, Serena Galante, de CMSF, rappelle qu’en Belgique, cette association est née en 2001, « de manière spontanée. »
CMSF se définit comme « une association artistique et humanitaire qui intervient à travers le monde pour apporter un soutien moral et émotionnel par le rire et le spectacle vivant à des populations affectées par des crises humanitaires, victimes de marginalisation ou en situation de grande précarité. »
Mais pourquoi « le clown » ? Pour Serana Galante, « notre humanité est profondément liée au rire et au comique. L’art du clown est en effet intrinsèquement lié à cette humanité ridicule. »
La marionnette liégeoise
Le projet « La marionnette liégeoise, outil social et culturel » est représenté par Karim Aït-Gacem, du Collectif Chindogu. Ils ont travaillé dans deux quartiers de Liège avec notamment des jeunes « issus de la diversité », Karim Aït-Gacem précise que « l’idée était de travailler sur une tradition locale qui est très très forte, à savoir la marionnette. »
Le Collectif Chindogu a préféré mettre à l’honneur un personnage venu d’Orient, Nasreddin Hodja, puisqu’il y a eu « peu d’évolution dans la représentation de la diversité », souligne Karim Aït-Gacem. « L’idée est de travailler sur cette tradition locale pour permettre à tous les jeunes de la ville de se l’approprier. Mais nous avons aussi essayé de bousculer cette culture quelque peu monolithique pour qu’elle puisse s’adapter à la différence. »
Cinéma de la joie de vivre
Vient ensuite la projection du film « Welcome chez nous », de Patrick Alen. Quatorze jeunes, originaires d’Irak, de Syrie, du Kurdistan, du Maroc, du Kosovo et du Liban, ont participé à l’atelier « jeu d’acteur ». « Ce que vous allez voir est le résultat de deux ans de travail avec des primo-arrivants, avec des jeunes qui n’avaient évidemment jamais vu une caméra de leur vie. On est vraiment parti de rien », explique Patrick Alen, en présentant son film.
Plus de cents projets
Marie-Christine Mauroy, l’Administratrice générale du Fonds Houtman, ne cache pas sa satisfaction de voir ces projets aboutir. Le Fonds en a financé jusqu’ici plus de cent. « Dans des thèmes très variables (…) toujours avec une vision de faire en sorte que les enfants les plus défavorisés puissent avoir accès à leurs droits », raconte-t-elle.