Les équipes criminelles turques patrouillent librement en Europe
Alors que l'affaire concernant la tentative d'assassinat contre deux responsables kurdes, Remzi Kartal et Zübeyir Aydar, se poursuit en Belgique, les regards sont à nouveau tournés vers le "réseau d'opérations" de l'État turc en Europe. L'Europe est utilisée comme "zone d'opération" par l'État turc depuis des décennies. De nombreux dissidents et révolutionnaires sont ainsi devenus la cible de l'État turc.
ACQUITTEMENT
Le tribunal correctionnel de Bruxelles a pris la décision d’acquittement pour les quatre personnes jugées dans cette affaire. Selon l’avocat Jan Fermon, la juge a considéré que l’agence de renseignement turc (MIT) étant une organisation étatique, elle ne peut être considérée comme une « structure terroriste ». Si certains indices à charge sont « fiables et crédibles », ils ne sont pas suffisants pour une condamnation, estime le tribunal, selon Jan Fermon. Le dossier contenait des indications sur un vaste réseau d’agents chargés d’espionner et de mener des attentats dans les pays européens. « À aucun moment, nous n’avons dit que les prévenus étaient des agents du MIT. Il était seulement question de liens entre le commando de tueurs et les services secrets turcs » a-t-il dit l’avocat. « Il s’agit clairement d’une décision politique », s’est indigné Jan Fermon, avant d’ajouter : « Manifestement, il s’agissait pour la justice belge de se sortir d’un mauvais pas ». Pour Zübeyir Aydar, la décision du tribunal comme est le « résultat des relations interétatiques » entre la Belgique et la Turquie. Quant à Remzi Kartal, il a accusé la justice belge de vouloir « blanchir » les activités du MIT. « Car c’est là que commence le problème : cette organisation des services secrets est responsable d’attaques terroristes, d’enlèvements, de tortures et d’attentats politiques en Europe. Le massacre de Paris est également imputable au MIT » a-t-il dénoncé. Les deux dirigeants kurdes dénoncent notamment une possible implication de la France et de la Turquie pour étouffer cette affaire, car l’une des personnes jugées est accusée d’être un agent double, travaillant pour les services de renseignements des deux pays.
LES ESCADRONS DE LA MORT
Avec l’affaire concernant la tentative d’assassinat contre deux responsables kurdes en Belgique, les regards sont à nouveau tournés vers le « réseau d’opérations » de l’État turc en Europe. L’Europe est utilisée comme « zone d’opération » par l’État turc depuis des décennies. De nombreux dissidents et révolutionnaires sont ainsi devenus la cible de l’État turc.
Ces activités sont ancrées dans l’histoire. Elles remontent jusqu’à la création de l’État turc. Établie sous le règne du génocidaire Enver Pacha, Teşkilat-ı Mahsusa (l’Organisation spéciale) forme les fondations des structures obscures d’aujourd’hui. Les noms ont changé mais les méthodes et la mentalité sont restées les mêmes. Les opposants ont été réduits au silence et anéantis par la contrainte et les dispositifs criminels dans le pays et à l’étranger. Teşkilat-ı Mahsusa a établi une relation symbiotique avec la mafia et les gangs formés de criminels libérés des prisons. Il a mené des activités de contre-espionnage et commis des assassinats en Turquie et à l’étranger. Cette structure s’est transformée en une machine de meurtres en série et a commis l’un des crimes les plus atroce de l’histoire avec le génocide arménien. Ces mêmes types de relations se manifestent aujourd’hui sous leur forme la plus vivante.
Après Teşkilat-ı Mahsusa, des organisations de renseignement portant des noms différents ont été créées. Sa forme finale est devenue l’Organisation Nationale du Renseignement (MIT), fondée en 1965. En s’appuyant sur la triade police-militaire-gang, cette conception étatique a créé de nombreux appareils criminels obscurs. Tous avaient des relations étendues avec les politiciens, les chefs d’entreprise, les juges et les procureurs, les médias ou les milieux sportif et artistique. L’un des appareils mis en place avait l’objet de lutter contre les Kurdes. Cette structure était le JİTEM, c’est-à-dire l’organisation de Renseignement de la Gendarmerie et Lutte Contre le Terrorisme. Cette structure a été dévoilée essentiellement avec l’accident de Susurluk en 1996. L’ancien membre du JITEM, Abdulkadir Aygan qui s’est réfugié en Suède en 2003, a fait d’importantes confessions sur cette structure. Aygan a ostensiblement expliqué qu’il avait été impliqué dans des crimes tels que des dizaines de séances de tortures, des exécutions extrajudiciaires et la destruction de cadavres. Après ses aveux, un charnier a été découvert en 2009.
L’accident Susurluk a réapparu lors des procès d’Ergenekon, qui a été un des sujets majeurs de l’actualité turque. Ainsi, les « opérations » à l’étranger de la structure obscure ont été mises à la lumière du jour. Présenté comme étant l’État profond ou l’organisation Gladio turc, l’Ergenekon a fait l’objet de poursuites judiciaires à la suite de la « guerre de pouvoir ». L’affaire Susurluk a été incluse dans le dossier Ergenekon, lors de cette guerre de pouvoir entre l’organisation Ergenekon, à caractère kémaliste et le gouvernement islamo-politique (d’Erdogan). Les informations divulguées en 2008 montraient que l’agent Abdullah Çatlı avait été nommé par le chef du coup d’État militaire de 1980, Kenan Evren. Sa mission était essentiellement basée sur la lutte contre les Arméniens en France. Selon le rapport Susurluk, les meurtres et les attentats à la bombe ont commencé le 22 octobre 1983, après un contact entre Abdullah Çatlı et les autorités étatiques de l’époque. De nombreux crimes ont été commis sur le territoire français dans les années 80. Cependant, Çatlı n’a pas été arrêté pour des meurtres politiques qu’il a commis en France mais pour le trafic de drogue, en 1984. Il a été incarcéré à la prison de la Santé à Paris puis transféré en Suisse. En 1990, il s’est évadé de prison de manière suspecte.
RELATION ÉTAT-POLITIQUE-MAFIA
Après l’accident de Susurluk, le Premier ministre de l’époque, Mesut Yılmaz a été soumis à d’importantes pressions afin qu’une enquête soit menée sur les relations État-Politique-Mafia. Il a alors exigé un rapport. Dans le rapport préparé par le sous-secrétaire du Premier ministre, Kutlu Savaş, il a été documenté que la mafia et les structures nationalistes ont commis des meurtres à l’étranger au nom de l’État, au su du MIT et avec les moyens financiers de l’État.
Mehmet Eymür, ancien chef du Département de Lutte Contre le Terrorisme, a reconnu la relation État-Mafia lors un procès intenté à Istanbul et a déclaré : « Nous en avions besoin pour les activités arméniennes-ASALA ou du PKK à l’étranger. Il n’était pas possible de le faire faire par des hommes normaux. Nous avions besoin de tueurs à gages ».
LES AVOEUX DES RESPONSABLES DU MIT
Dans les déclarations d’Eymür, il est admis que le membre du MİT Hiram Abbas et le chef de la mafia Alaattin Çakıcı avaient tué ensemble des Arméniens à Beyrouth, et que Çakıcı avait tué Agop Agopian, l’un des fondateurs de l’ASALA, le 28 avril 1988, à Athènes, la capitale de la Grèce. Selon les déclarations d’Eymür, Mehmet Ağar, Ministre de la Justice et de l’Intérieur, Korkut Eken, commandant des forces spéciales des forces armées turques et Mehmet Ali Ağca, organisateur de l’attentat du 13 mai 1981 contre Jean-Paul II à Rome faisaient partie de cette organisation qui perpétrait les meurtres à l’étranger.
LA POLITIQUE DE CRIMINALISATION QUI ENCOURAGE LES ASSASSINATS EN EUROPE
Les assassinats et les projets d’assassinat visant le mouvement de libération kurde ont été introduits comme un nouveau concept au début des années 1980. La décision des États européens de qualifier et de considérer de terroriste le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) a encouragé l’État turc à poursuivre ses plans. En 1985, l’Allemagne est devenue le premier État à déclarer que le PKK était une « organisation terroriste ». Un an plus tard, le 28 février 1986, le Premier ministre suédois de l’époque, Olof Palme, a été assassiné alors qu’il revenait du cinéma avec sa femme à pied.
Des tentatives délibérées ont été menées pour mettre cette exécution sur le dos du PKK. En prétextant ce meurtre, une campagne de criminalisation de la lutte juste et légitime du peuple kurde a été menée dans le monde entier. Une chasse aux sorcières est lancée contre les Kurdes. Pourtant, il était clair que Palme avait été victime d’un complot. Dès le début de cette affaire le mouvement kurde a blâmé le Gladio et de nombreux services secrets. Lorsque le principal suspect dans cette affaire est décédé, 34 ans plus tard, l’affaire a été classée et il a été admis que le PKK n’avait rien à voir avec le meurtre de Palme. Les Kurdes attendent toujours des excuses du gouvernement suédois pour cette accusation cruelle et injuste.
TANTATIVE D’ASSASSINAT CONTRE UN DIRIGEANT KURDE AU DANEMARK
Dans la foulée de cette campagne de criminalisation, à partir du début des années 1990, des escadrons d’assassins ont été de nouveau envoyées en Europe. Ainsi, İmdat Yılmaz, immigré au Danemark en 1978 et devenu président de la Fédération des associations kurdes en 1992, a été victime d’un assassinat organisé par le MIT en 1994. Yılmaz a été agressé alors qu’il quittait son domicile le 7 février. L’agresseur avait vidé toutes les balles de son arme sur le corps de Yılmaz. Paradoxalement, la police danoise a fait une descente dans l’association kurde et a procédé à l’arrestation des membres de la communauté kurde. La police et les médias danois affirmèrent que ce fait était le résultat d’un « conflit interne au sein du PKK ». Yılmaz, qui a survécu à l’attaque, a subi des pressions de la part de la police qui lui demandait de dire qu’il s’agissait d’un conflit interne au parti. Néanmoins, Yılmaz a clairement déclaré que la tentative d’assassinat était l’œuvre des services secrets turcs. L’affaire a été classée sans enquête sérieuse. Cependant, le service de renseignement danois PET connaissait l’auteur de l’attaque. L’agresseur était Sabah Ketene, qui se rendait souvent à « l’Association culturelle des Turcs d’Irak » à Copenhague et avait un passeport diplomatique turc.
Le journaliste nationaliste turc Emin Çölaşan a qualifié Ketene de « héros » dans son article du quotidien Hürriyet du 11 juin 2006. Tout en décrivant comment son « héros » Sabah Ketene a commis cette tentative d’assassinat au Danemark, Çölaşan attirait l’attention sur le fait que Ketene avait perpétré cette attaque en tant que fonctionnaire de l’État. Des années plus tard, dans le journal Sözcü du 2 juillet 2019, cette fois, sous le titre de « le héros Turkmène » , il faisait l’éloge de Sabah Ketene en qualité de membre du MİT. En écrivant que Ketene l’avait rencontré avant sa mort, il notait de ses propres aveux qu’il était « membre du MIT » et avait « beaucoup travaillé, notamment à l’étranger. » Il était à la fois l’officier du renseignement et le chef de l’une des équipes d’attaque et de dissolution.\
La source de Çölaşan, Ketene, décrivait l’assassinat au Danemark comme suit : « Quand on nous confie une mission dans un pays, nous y allons séparément et nous nous retrouvons sur place. Nous avons perquisitionné le bâtiment où vivait un membre important du PKK dans la capitale d’un pays d’Europe occidentale. On l’a coincé devant l’ascenseur, il a pris au moins 10 balles. Nous sommes partis en pensant qu’il était mort. Mais cet homme avait sept vies. Il est resté dans l’unité de soins intensifs pendant six mois et a finalement récupéré. On n’a pas pu l’achevé, mais il ne servirait plus à rien après ce qui lui est arrivé. »
AGENT DU MIT: NOUS AVONS FAIT EXPLOSÉ DES BOMBES À ATHÈNES
D’après l’article de Çölaşan, il semble que les crimes de Sabah Ketene étaient nombreux en Europe. Selon Çölaşan, son « héros » disait ; « Nous avons aussi formé des équipes, organisé et commencé à brûler leurs forêts aussi bien sur les îles grecques que sur le continent même. Ses belles forêts ont été détruites… De plus, des bombes ont explosé dans certaines zones touristiques ! Nous avons même fait exploser quelques bombes dans le métro du Pire à Athènes. »
Ketene, qui se vantait d’avoir aussi perpétré un attentat à la bombe contre le PKK à Hewlêr (Erbil), la capitale de la Région fédérale du Kurdistan (Kurdistan irakien), a été tué à la suite d’une action armée dans la Région fédérale du Kurdistan en avril 2006.
LES ACTIVITÉS D’ASSASSINAT EN EUROPE DE L’ÉTAT DIRIGÉ PAR ERDOĞAN
La guerre de pouvoir et les nouveaux partenariats lors de la transition du kémalisme à l’ère de Recep Tayyip Erdoğan ont conduit à la création de nouvelles structures paramilitaires. Nous avons surtout vu l’intensification des activités de renseignements, d’enlèvements et d’assassinats à l’étranger. Désormais, toutes les structures à caractère « turc » et « musulman » liées à l’État commencèrent à fonctionner comme une agence du renseignement. Des mosquées, des imams, des croyants, des nationalistes, des associations, des journalistes, des politiciens, des ambassadeurs et bien d’autres encore sont ainsi devenus membres de ce réseau de renseignements.
Le premier attentat majeur du gouvernement Erdogan à l’étranger a eu lieu le 9 janvier 2013 à Paris. L’une des fondatrices du PKK, Sakine Cansız, la représentante du KNK à Paris Fidan Doğan et la membre du mouvement de jeunesse kurde Leyla Şaylemez ont été assassinées lors d’un attentat organisé par le MIT. Toutes les traces de l’enquête montraient que ce meurtre était bel et bien commandité par Ankara.
NOUVEL APPAREIL PARAMILITAIRE: SADAT
Au cours des années suivantes, les attaques contre les Kurdes et toutes les voix de l’opposition se sont intensifiées, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. De nouvelles structures paramilitaires sont entrées en jeu. Désormais, le pouvoir judiciaire, la police, le parlement, les médias et l’armée sont passés sous le commandement du gouvernement dans toute son ensemble. SADAT était le nouveau sur la scène. Structurée en tant qu’organisation paramilitaire pour être un élément de menace et de chantage interne, cette organisation a également été affectée à des opérations à l’étranger.
Le nom de SADAT est mentionné dans les tentatives d’assassinat contre les dirigeants kurdes en Belgique et la politicienne Berivan Aslan en Autriche. Adnan Tanriverdi qui est à la tête de l’organisation internationale de défense et de conseils dont le nom abrégé est SADAT, s’est rendu à Paris avec Erdogan en 2018, peu après la tentative d’assassinat en Belgique. Son nom n’était pas mentionné dans la délégation officielle. On ignore quel genre de rencontre il a eu lors de cette visite, ni ce qui a été discuté ou bien si des accords ont été conclus.
L’enquête menée en Belgique révèle des informations relatives aux liens existants entre SADAT et « l’équipe d’assassinat ». Des photos des membres de l’équipe d’assassinat avec Adnan Tanrıverdi sont incluses dans le dossier. L’affaire de Bruxelles est considérée comme extrêmement importante pour que ces structures obscures soient déchiffrées et condamnées devant la justice. Ces structures, que nous qualifions comme étant obscures, révèlent également le véritable caractère de l’État turc depuis sa création.
Alors qui est ce Tanriverdi qui est à la direction de SADAT ? Tanriverdi a été le conseiller personnel d’Erdogan. C’est un ancien soldat qui a été chef du département des guerres spéciales de l’état-major général et de l’organisation de défense civile de la RTCN (Chypre du Nord, occupé par la Turquie) pendant 30 ans. L’actuel ministre de la Défense nationale Hulusi Akar, qui était chef d’état-major général le 15 juillet, fait partie des disciples de Tanriverdi. Tanriverdi donnait des cours à l’Académie Militaire turque. Leur relation avec Erdogan remonte au moins à 1994. Celle-ci s’est intensifiée après la période du 28 février, et a pris une nouvelle dimension après la « tentative de coup d’État » du 15 juillet 2016. En fait, après cette date et à la demande d’Erdoğan, Tanrıverdi a commencé à travailler comme conseiller principal du président sur les questions de sécurité et ainsi il participait à des réunions sur la sécurité au sommet de l’État.
Attirant l’attention avec sa déclaration, « Nous devons nous préparer à la venue du Mahdi », lors du 3e Congrès de l’Union islamique internationale qui s’est tenu à Istanbul en décembre 2019, Tanrıverdi a dû démissionner de ses fonctions de conseiller en chef et de membre du Comité de la sécurité et de la politique étrangère le 8 janvier 2020 décembre, après avoir essuyé de nombreuses critiques.
SADAT dont il est le fondateur, a été officiellement enregistré le 28 février 2012. A cette époque, il était composé de 23 officiers retraités et sous-officiers. Aujourd’hui, on précise qu’il dispose de 64 conseillers dans 22 pays musulmans, notamment au sein du gouvernement de Tripoli. SADAT, qui participe directement à la formation des groupes armés en Syrie, peut facilement entrer dans les camps militaires turcs. En 2016-2017 et 2018, il a conseillé des groupes armés dans les opérations d’invasion appelées Bouclier d’Euphrate et Rameau d’Olivier. Cette force, qui est utilisée dans les opérations à l’étranger, est également active en tant que milice politique armée à l’intérieur du pays. On prétend même qu’il existe des camps à Tokat et à Konya dont ils en sont propriétaire. Les activités réelles de SADAT sont gardées confidentielles, à l’exception de certaines informations émergentes.
Il est allégué que SADAT travaille surtout pour la sécurité des gouvernements des pays musulmans. SADAT, qui agit également comme médiateur entre les gouvernements en question et l’industrie de la défense turque, assure également la formation de l’infanterie, des forces spéciales, de la marine et des forces aériennes. Également considéré comme le nouveau Gladio turc, il gère les opérations à l’intérieur et à l’extérieur du pays. En d’autres termes, il agit comme une structure parallèle du MIT dans le pays et à l’étranger.
C’est ainsi que le régime d’Erdogan a, avec ses structures paramilitaires, accru ses menaces contre les dissidents qui se trouvent en Europe. Désormais, outre les Kurdes, toutes les voix actives de l’opposition sont prises pour cible.
SADAT apparaît également dans un article publié dans le journal français Le Point, en septembre 2021. Le sujet de l’article était la tentative d’assassinat de Berivan Aslan. La personne interviewée était Feyyaz Öztürk, qui était désignée pour l’assassinat.
Bien que Feyyaz Öztürk, qui s’est avéré être un agent du MIT, ait avoué la tentative d’assassinat, ce dernier n’a pas été arrêté par l’Autriche. Il a simplement été expulsé vers l’Italie, dont il était citoyen. Il vit actuellement sur l’île de Sicile. S’adressant au journaliste, Guillaume Perrier de Le Point, Öztürk affirmait qu’une cellule secrète agissant pour le compte du MIT l’avait contacté en 2018, qu’ils avaient eu une réunion dans une association à Belgrade en août 2020, et qu’un dénommé « Uğur » lui avait confié la tâche de « tuer la politicienne viennoise Berivan Aslan ». Öztürk s’était également rendu au service de renseignements autrichien BTV en septembre 2020 et avait avoué en détail la tâche qui lui avait été confiée par la cellule secrète turque. Une enquête avait été ouverte contre lui pour des crimes de participation à la tentative d’assassinat et relations avec des organisations criminelles, et il avait été soudainement libéré trois mois plus tard.
Dans ses aveux au journal Le Point, Öztürk attirait notamment l’attention sur le rôle de SADAT: « Après la tentative de coup d’État ratée du 15 juillet 2016, des milliers d’agents des renseignements accusés de trahison ont été purgés. Pour combler le vide, l’État s’est appuyé sur des cellules nationalistes ou des groupes paramilitaires. SADAT, la société de sécurité privée fondée par un général islamiste, est ainsi devenue l’un des principaux contractants des opérations du MIT à l’étranger ».
La France est de nouveau au premier plan dans les confessions d’Öztürk. Au cours des dernières décennies la France a été particulièrement utilisée comme zone d’opérations par l’organisation de renseignements turque. « J’ai vécu dans le bunker du MIT dans un appartement à Choisy en France, au milieu du quartier chinois », disait Öztürk.
UN ANCIEN OFFICIER DE L’OTAN: SADAT SE PREPARE POUR L’OPERATION
Bien que durant ces dernières années les activités croissantes de SADAT en Europe aient été ignorées aussi bien par les autorités européennes que par les principaux médias, les informations partielles reflétées dans les médias suffisent pour montrer que le danger est bien réel et grand. En effet, s’adressant au HuffPost américain en novembre 2018, l’ancien officier de l’OTAN, Cafer Topkaya, avertissait que SADAT se préparait à mener des opérations en Allemagne. Le major Cafer Topkaya, qui était de service au siège de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) à Bruxelles, avait également été arrêté après la tentative de coup d’État en Turquie le 15 juillet 2016. Mis en liberté conditionnelle après avoir passé près d’un an et demi en prison, il s’était enfui à l’étranger.
Déclarant que le MIT peut mener des opérations d’enlèvement, similaires à celles du Kosovo et de l’Afrique, dans des pays d’Europe occidentale, Topkaya affirmait que pour cela le gouvernement Erdogan utilisera SADAT, une milice armée. Soulignant qu’actuellement SADAT était le groupe armé le plus puissant de Turquie, il poursuivait ainsi: « Un de mes amis dans l’armée m’a dit que SADAT menait une tentative d’opération contre les opposants qui sont en Europe. Mon ami est une source de confiance au sein de l’armée. Il a également déclaré que SADAT avait envoyé un message à ses cellules dormantes en Europe via l’Agence Anadolu (AA) ».
L’EQUIPE D’ASSASSINAT DÉCHIFRÉE A BRUXELLES
L’affaire à Bruxelles est considérée comme extrêmement importante pour entraver les réseaux d’espionnage turcs et les plans d’assassinat qui représentent un grand danger.
Suite à l’enquête sur la tentative d’assassinat en juin 2017 contre le coprésident de KONGRA GEL, Remzi Kartal, et le membre du conseil exécutif de KCK, Zübeyir Aydar, il a été décidé d’intenter une action en justice le 18 juin 2021.
La première audience a eu lieu le 1er octobre 2021. Au total, quatre personnes sont jugées dans cette affaire : Zekeriya Çelikbilek, Yakup Koç, Necati Demiroğulları et Hacı Akkulak. Ce dernier est d’origine kurde. La personne Akkulak est d’autant importante qu’il a été utilisé comme agent d’espionnage et que lorsqu’il s’est rendu compte que cela le conduisait jusqu’à l’assassinat, il s’est rendu à la police belge pour faire des aveux.
Cette affaire est « explosive » pour les services de renseignements aussi bien de Turquie que pour ceux des pays occidentaux avec lesquels elle coopère.
Les responsables kurdes veulent que cette tentative d’assassinat démasquée soit condamnée devant la justice. On espère que l’affaire en Belgique aboutira à une décision exemplaire pour les autres pays européens.
Durant l’enquête menée par la justice belge des détails frappants concernant le réseau du groupe accusé ont été détectés. Ces informations importantes ont été obtenues surtout grâce au suivi technique. Les enquêteurs ont relevé, dans une conversation téléphonique entre deux personnes, l’existence d’un plan pour « provoquer un bain de sang ». Ces déclarations ont permis à l’enquête d’être prise plus au sérieux. Les déclarations en question sont faites lors d’un appel téléphonique de Zekeriya Çelikbilek. Par la suite, en 2017, la police de Bruxelles prétextant un « contrôle de routine », arrête et contrôle le véhicule dont les passagers étaient l’équipe d’assassinat turque. Lors de l’enquête il en ressortait qu’ils menaient une activité d’exploration et de recherche de matériel pour l’assassinat.
Selon les informations du dossier, Çelikbilek résidait en France et de ce fait Yakup Koç, surnommé « le colonel » s’est également installé en France pour servir l’équipe d’assassinat depuis là. Yakup Koç avait attiré l’attention avec une pièce d’identité de la police turque qu’il avait sur lui lors du contrôle de police belge. Au cours de l’enquête, il a été déterminé que Koç travaillait également pour l’ambassade de Turquie à Paris.
Du fait que le quartier général de l’équipe se trouvait en France, la justice belge a demandé aux autorités françaises de mener une enquête dans le cadre de la coopération judiciaire internationale. La police française a alors mis sous écoute téléphonique des personnes impliquées dans le réseau d’assassinats. Seules certaines de ces écoutes ont été partagées avec la justice belge. Jan Fermon, l’avocat des dirigeants kurdes, a déclaré qu’ils avaient l’impression que la France ne partageait pas toutes les informations avec la Belgique. Selon Fermon, la France cache une quantité importante de ses informations.
Malgré cela, ces écoutes téléphoniques ont permis de mettre en évidence non seulement le lien entre Çelikbilek et Koç, mais également un groupe de personnes en lien l’une avec l’autre. On estime que le chef de l’équipe est Yakup Koç.
Il a été déterminé que ce groupe qui agissait ensemble a des liens avec l’ambassade de Turquie à Paris. L’équipe a également des liens directs avec Ankara. Plusieurs membres de l’équipe ont des photos un conseiller d’Erdogan au palais présidentiel d’Ankara.
Les membres de l’équipe sont en apparence dans la profession telle qu’électricien, vendeur de voitures d’occasion, etc. Par exemple, Çelikbilek se présente comme ingénieur électricien.
Mais il y a un tableau différent en arrière-plan. « Demain, je dois partir en Belgique pour ma patrie », déclare l’un d’eux dans des écoutes téléphoniques. En 2017, il s’est rendu à Gand, en Belgique, et a acheté une voiture à « l’homme d’affaires turc » Necati Demiroğulları et s’est rendu à Ankara. Demiroğlulları est également le beau-frère de Yakup Koç et est considéré comme responsable de toute la logistique de l’équipe d’assassinat.
Demiroğulları fabrique de faux documents pour Yeşilyurt, il présente le véhicule comme un « véhicule de société » et Yeşilyurt comme un « employé de la société ». Yesilyurt met Yakup Koç en action pour faire avancer ces démarches. Koç demande à son beau-frère Demiroğulları de s’occuper de ces affaires. À cette fin, il est demandé à Yeşilyurt son passeport et d’autres documents nécessaires. Au cours de l’enquête, des copies du passeport et d’autres documents ont été trouvées sur le WhatsApp de Demiroğulları. C’est ainsi que la justice belge décide d’approfondir davantage l’enquête sur Yeşilyurt.
Yeşilyurt, inscrit au registre de la population de Trabzon, est décédé le 8 avril 2021, à l’âge de 41 ans, des suites du « Covid-19 ». Son corps a été envoyé dans sa ville natale. Au cours de l’enquête, il a été déterminé qu’İrfan Yeşilyurt avait envoyé un colis à Istanbul avec Chronopost avant sa mort. Yeşilyurt a appelé Chronopost et a demandé pourquoi son colis n’était pas parvenu à son adresse et s’est mis en colère. Lorsque Chronopost a demandé ce qu’il y avait dans le colis, İrfan Yeşilyurt a répondu qu’il avait une liste de noms et de numéros de téléphone. La police française, qui a interrogé Yesilyurt, a demandé ce qu’il avait envoyé à Istanbul. Yesilyurt a prétendu avoir envoyé une liste de noms et de numéros de téléphone. Lorsque la police a demandé de quel type de liste il s’agissait, elle a obtenu une réponse incohérente. Yeşilyurt a affirmé qu’il s’était rendu dans les cimetières en France, avait noté les noms des Turcs qui y étaient enterrés et les avait envoyés à Ankara. Le fait que la police française se soit contentée de cette réponse a également soulevé des questions. Car il était surprenant que les morts aient des numéros de téléphone.
Il y a un autre événement concernant Yeşilyurt qui attire l’attention. Les enquêteurs belges ont réalisé que Yeşilyurt avait été soumis et repéré par un système d’alerte secret dans l’espace Schengen. En d’autres termes, chaque fois que Yeşilyurt passait la frontière, cette alerte se déclenchait et était transmise aux unités compétentes. Cela signifie que les Français suivaient Yeşilyurt. Selon Fermon, Yesilyurt a été étrangement retiré du système d’alerte Schengen lorsque la justice belge a commencé à poser des questions, et ainsi ses traces ont été effacées.
Un autre nom identifié dans ce réseau est Sami Koç. Il est le neveu de Yakup Koç. Il y a une autre personne nommée « Avni ». Lorsque la police française les poursuit, elle se rend compte qu’ils ont reçu une formation spéciale, car ce groupe utilise une technique pour empêcher les écoutes téléphoniques. En d’autres termes, ils savent comment empêcher les écoutes téléphoniques.
Lors de l’enquête, il en ressort que le quartier général de l’équipe d’assassinat qui a été envoyée en Belgique est la France.
Les photographies des personnes soumises à l’enquête avec İsmail Hakkı Musa, alors ambassadeur de Turquie en France, révèlent les liens de l’équipe. Çelikbilek et İsmail Hakkı Musa se tiennent côte à côte dans l’un des carrés de la photo. Dans le dossier d’enquête mené en Belgique, il y a des indices que « les actions en Europe de ce réseau d’espions et d’assassinats ont été coordonnées par İsmail Hakkı Musa ». Musa, l’ancien numéro 2 du MIT, est rentré dans son pays le 14 mars 2021, annonçant que son mandat à l’ambassade avait expiré, alors que les soupçons à son égard se renforçaient. Musa était le nom numéro 2 du MIT lors du meurtre de trois femmes révolutionnaires kurdes à Paris en janvier 2013.
Alors que certaines photos ont été partagées sur les réseaux sociaux, certaines ont été obtenues du téléphone portable de Çelikbilek. Au cours de l’interrogatoire, Çelikbilek affirme que l’une des photographies a été envoyée par Yeşilyurt.
Yeşilyurt se trouve entre deux personnes sur la photo. Quand on demande à Çelikbilek qui sont ces personnes il dit que l’une d’elles est un membre de la famille, l’une est Yeşilyurt, et la troisième il ne connaitrait pas. Cependant, la personne qu’il prétend ne pas connaître est Adnan Tanriverdi, le fondateur de la compagnie internationale de défense et consultation, c’est-à-dire SADAT. Cette personne était également le conseiller personnel du président turc Recep Tayyip Erdogan.
Tanriverdi a attiré l’attention principalement lors de sa visite à Paris en 2018, avec Erdogan. Son nom n’a pas été inscrit dans la délégation officielle. Cependant, il apparait sur les photos de l’équipe à Ankara et à Paris.
Il a été révélé lors de l’enquête que, les membres de l’équipe qui ont été présentés comme électriciens ou vendeurs d’automobiles d’occasion étaient en réalité chargé d’accueillir à Paris Tanriverdi et Seyit Sertçelik, le conseiller du président turc Recep Tayyip Erdogan. Seyit Sertçelik figurait lors de sa visite à Paris parmi les noms des accompagnateurs d’Erdoğan. Il est conseiller principal du président Erdoğan et membre du Conseil présidentiel de politique de sécurité et de politique étrangère. Il semble que le Prof. Dr. Seyit Sertçelik est essentiellement chargé d’empêcher la reconnaissance du génocide arménien.
Il a été photographié en mars 2018 devant une prison turque à Afrin – Rojava qui est sous l’occupation de l’État turc. Il a également partagé cette photo sur sa page Facebook.
Cependant, nous pouvons voir sur d’autres photos, qui n’ont pas été partagées publiquement, que Sertçelik est allé beaucoup plus loin. Par exemple, il a des photos prises à Paris et à Ankara, avec son réseau de tueur à gages d’Europe.
Deux photos de Sertçelik attirent particulièrement l’attention. L’une avec Çelikbilek à Paris, l’autre avec Keskin et Koç à Ankara. Celui qui a pris la photo d’Ankara est Zekeriya Çelikbilek. Ces trois personnes ont rendu visite à Sertçelik dans son bureau au Palais d’Erdoğan à Ankara.
Le téléphone de Çelikbilek contient également des photos de papiers contenant des notes et le nom d’un attaché militaire de l’ambassade de Paris. L’attaché militaire, dont on ignore le nom, décrit dans ces notes tout ce qu’il a fait pour l’AKP. Lorsque la police française a demandé à Çelikbilek ce que cela signifiait, il aurait dit que l’attaché militaire était accusé d’être affilié à l’association de Fethullah Gülen et lui aurait demandé de donner les notes en question à Erdoğan en cas d’arrestation.
Lorsque Çelikbilek et l’attaché militaire se sont rencontrés à l’ambassade de Paris après la tentative de coup d’État en 2016, une telle demande écrite lui a été envoyée. Si Çelikbilek n’est qu’un « électricien » comme il le prétend, se pose la question suivante : pourquoi l’attaché militaire a transmis à Çelikbilek le message qui aurait dû être transmis à Erdoğan. Tout montre que l’attaché militaire connaissait bien les liens directs entre Çelikbilek et Ankara.
Le dossier devant le tribunal en Belgique comprend 7 000 pages. Zübeyir Aydar, qui était la cible de la tentative d’assassinat, a déclaré : « L’existence d’un réseau criminel est très clairement révélée dans ce dossier. Avec clarté, on y voit les plans d’assassinat et les liaisons avec le MIT, le gouvernement de Turquie et même avec Tayyip Erdogan. »
Le procureur qui examine le dossier, soutient qu’il n’y a pas eu de tentative d’assassinat et qu’il pourrait s’agir d’une activité de renseignement. Mais comme le déclare l’avocat Jan Fermon : « Les éléments du dossier disent quelque chose de complètement différent. Il était clair pour moi qu’il y avait eu une tentative d’assassinat. ».
De nombreuses questions concernant les personnes ayant des liens avec le sommet de l’État turc attendent des réponses. Alors que la Turquie ne contribue en aucune manière à l’enquête, le partage insuffisant d’informations par la France éveille les soupçons. Le membre de l’équipe Yakup Koç n’a fait l’objet d’aucune enquête en Turquie ou dans ce pays.
QUE CACHE LA FRANCE?
La France n’a ouvert aucune enquête contre les membres de l’équipe qui ont espionné sur son territoire et tenté d’assassiner en Belgique. Au contraire, certains membres de l’équipe continuent de vivre en France en toute impunité. Lors de son interrogatoire Irfan Yeşilyurt aurait même dit au sujet de Zekeriya Celik « Pourquoi me le demandez-vous, il travaille pour vous ».
Quels sont les liens entre les services français et l’équipe d’assassinat turc ? Pourquoi les services français ne partagent pas toutes les informations avec la justice belge ? Ont-ils rencontré le chef de SADAT de sa visite à Paris en 2018 ? Si oui, quels étaient les contenus de leur discussion ? Pourquoi İrfan Yeşilyurt était inclus dans le système d’alerte Schengen ; pourquoi en a-t-il été soudainement retiré ? Plus important encore, quand les noms des véritables coupables de cette tentative d’assassinat seront prononcés dans un tribunal européen, osera-t-on d’aller jusqu’à Ankara, en d’autres termes jusqu’au « sommet » du réseau ?
TROIS FEMMES RÉVOLUTIONNAIRES TUÉES À PARIS
Lors d’une enquête judiciaire en France, il a été révélé que les services de renseignement turcs étaient impliqués dans le féminicide des trois révolutionnaires kurdes à Paris le 9 janvier 2013. Cependant, les autorités françaises n’ont pas eu le courage de révéler ces données et ont préféré de les cacher.
L’existence d’un lien direct entre la tentative d’assassinat en Belgique et les exécutions à Paris n’a pas été prouvée « juridiquement », mais d’un point de vue politique il est quasiment évident que les commanditaires sont identiques. De ce fait, les deux affaires ne peuvent être considérées séparément.
Mais que s’est-il passé à Paris ? L’une des fondatrices du PKK, Sakine Cansız (Sara), la représentante du KNK à Paris, Fidan Doğan (Rojbîn) et une membre du Mouvement de la jeunesse kurde, Leyla Şaylemez (Ronahi) ont été assassinées le 9 janvier 2013, au cœur de Paris, de trois balles chacune.
Immédiatement après le carnage une enquête a été lancée et tous les éléments nous ont dirigés vers les services de renseignements turcs – le MIT. Des documents découverts en 2014 démontrent que les commanditaires du crime étaient à Ankara (capitale turque). Parmi ces documents il y a une instruction écrite signée par le MIT et datée le 18 novembre 2012 sur laquelle on lit qu’« un plan opérationnel » a été élaboré « pour neutraliser Sakine Cansız » par Ömer Güney.
Le 12 janvier 2014 un enregistrement audio a été divulgué sur Internet sur lequel on comprend qu’Ömer Güney a fait des plans d’assassinat avec le personnel du MİT. En 2014, alors qu’il était emprisonné, l’assassin Ömer Güney a demandé l’aide du MIT pour une évasion de la prison de Paris.
Après avoir été placé en garde à vue Ömer Güney a été emprisonné le 17 janvier 2013. Le 17 décembre 2016 soit environ un mois avant le début du procès, il est décédé d’une manière suspecte. Le procès devant commencer début décembre avait été reporté pour des raisons inconnues au 23 janvier 2017. Ensuite, la justice française a classé l’affaire au motif que l’accusé était décédé.
Cependant, un événement important a contribué à la réouverture du dossier. Le 4 août 2017, au Kurdistan du Sud deux hauts responsables du MİT qui prévoyaient d’assassiner des responsables du PKK ont été neutralisés dans une opération spéciale de la guérilla.
Erhan Pekçetin, responsable des opérations à l’étranger, et Aydın Günel, responsable des ressources humaines, ont confirmé le document confidentiel et l’enregistrement audio dans leurs aveux et ont donné les noms des responsables du MİT qui ont participé à l’organisation du crime.
Parmi les planificateurs du massacre de Paris figurait Sebahattin Asal, qui était sous-secrétaire adjoint du renseignement stratégique en 2018 et vice-président des activités séparatistes ethniques en 2013. Cette personne assistait aux pourparlers entre le PKK et l’Etat turc, en tant que bras droit d’Hakan Fidan, le chef du MIT.
Toutes les informations pointaient directement vers Ankara. Alors qu’à Paris la triade justice-police-politique rencontrait un blocage pour résoudre et révéler les commanditaires du triple assassinat, les kurdes de Paris se sont mobilisés face à la tentative d’assassinat ayant lieu en Belgique.
Les familles de trois femmes révolutionnaires kurdes ont conduit à l’ouverture d’une nouvelle enquête à Paris. Cependant, les politiciens et les services de police, c’est-à-dire l’État, empêchent l’éclairement de tous les aspects de ce massacre. Malgré tous les appels et réactions, le gouvernement et les services de renseignement français refusent de divulguer les informations dont ils disposent. Les organisations kurdes de France réagissent face au Secret Défense utilisé par l’État dans cette affaire car “il fait obstacle à la révélation de la vérité”. Cela garantit également l’impunité des services secrets turcs qui mènent des crimes sur le sol français.
Sans aucun doute, les assassinats et les tentatives d’assassinat de l’État turc ne se limitent pas à la France et à la Belgique. L’État turc, qui dispose d’un vaste réseau d’espionnage dans presque tous les pays d’Europe, utilise différentes méthodes pour intimider ses opposants. Des méthodes telles que les menaces, les agressions physiques, les assassinats, les détentions et les arrestations lors de l’entrée en Turquie, le kidnapping et l’utilisation de l’Interpol.
L’ALLEMAGNE, LE NATIONALISME TURC ET L’ARRIÈRE-COUR DU MIT
L’Allemagne fait partie des pays de l’UE où le réseau d’espionnage turc est le plus actif. En Allemagne, les personnes originaires de Turquie gagnent en importance en tant que la plus grande population étrangère du pays. Néanmoins, les relations turco-allemandes datent au moins de l’accord entre l’empereur Guillaume II et Abdulhamid II, en 1888. Le général prussien Colmar Freiherr von der Goltz, également connu sous le nom de Goltz Pacha, a été chargé de réorganiser l’armée ottomane et de former les futurs cadres Jeunes-Turcs.
Les deux pays ayant une relation sombre et sale, du génocide arménien au nazisme allemand, ont signé un accord en octobre 1961 pour encourager les travailleurs turcs à travailler en République fédérale. Ce qui a provoqué une vague d’immigration. Ainsi, le nationalisme turc et les structures paramilitaires ont commencé à prendre racine ici. Du raciste turc Alparslan Türkeş à l’architecte du coup d’État de 1980, Kenan Evren ; du Premier ministre des années 1990 Tansu Çiller à l’actuel Recep Tayyip Erdoğan et au leader du MHP Devlet Bahçeli : l’Allemagne est au centre du réseau relationnel des dirigeants fascistes turcs. Durant ce dernier siècle, l’Allemagne est devenue « l’arrière-cour » du nationalisme et des renseignements turcs.
De tout temps, l’idéologie nazie et le courant « touraniste » se sont nourries mutuellement. En fait, pendant les jours de la Seconde Guerre mondiale, Türkeş a établi des liens étroits avec les nazis, et cette « amitié » s’est poursuivie après la guerre. Les relations entre les deux pays n’ont pas été coupées même pendant le coup d’État militaire. En bref, la coopération et la complicité d’aujourd’hui s’enracinent dans l’histoire.
A cet égard, ce n’est pas un hasard si Ömer Güney, le criminel du triple assassinat à Paris en 2013, venait de Bavière.
Le rôle de Ruhi Semen, le collaborateur d’Ömer Güney en Allemagne, n’est toujours pas totalement élucidé. Semen est la personne dont Güney a le plus été en contact après s’être installé dans la ville Bad Tölz de l’Etat de Bavière en Allemagne. Il s’y est installé en 2003 et le motif serait son mariage. Semen était contremaître dans une usine appelée « Kinshofer GmbH », où Güney a travaillé jusqu’en 2009. Il était aussi chargé depuis plusieurs années du recrutement pour les structures étatiques turques en Allemagne. D’ailleurs il faisait partie des principaux organisateurs des groupes nationalistes turcs en Bavière.
Durant les derniers jours de janvier 2013, après la révélation de l’identité d’Ömer Güney, ANF a interviewé les travailleurs de l’usine où travaillait Güney et Semen. Malgré leurs affirmations notamment concernant la relation étroite entre Güney et Semen, les autorités françaises et allemandes n’ont jamais ouvert une véritable enquête contre Semen ; et ce, bien que Semen ait été recensé comme la seule personne ayant rendu visite à Güney en prison.
Il a été révélé que le 4 janvier 2014, Ruhi Semen a fait le coursier pour le MIT lors d’une visite à Ömer Güney en prison. N’ayant malgré cela pas été questionné par la police et les unités judiciaires de l’État allemand, Semen s’est rendu en Turquie. Selon les recherches menées par l’agence de presse kurde ANF en janvier 2021, Semen est retourné en Allemagne quelques années plus tard et a poursuivi ses activités au sein de l’Union turco-islamique des affaires religieuses (DITIB), qui fonctionne comme une branche du MIT.
Semen a été longtemps un membre actif dans la mosquée et l’association DITIB à Miesbach en Bavière. Les deux villes Bad Tölz et Schliersee où vivait Ömer Güney sont rattachées à Miesbach. L’ANF a obtenu une photographie datant de l’été 2013 et prise lors d’une kermesse organisée par DITIP : sur la photo on voit Semen avec un responsable de DITIB. L’infinité du duo sur la photo a attiré les attentions. Il s’est avéré que depuis son retour en Allemagne, en été 2020, Semen a toujours été actif au sein de DITIB. Il est étonnant que les unités de sécurité allemandes n’enquêtent pas sur Ruhi Semen ni même sur Ömer Güney.
LES ASSASSINATS ET LA POLITIQUE D’IMPUNITÉ EN ALLEMAGNE
L’État turc a également tenté d’assassiner des Kurdes en Allemagne. L’un des noms déchiffrés récemment est Mehmet Fatih Sayan. Ce dernier a recueilli des informations sur des politiciens kurdes en Europe et a planifié un assassinat. Malgré cela, le 10 octobre 2017, le tribunal de Hambourg a prononcé une peine digne d’une récompense. Disant que Sayan n’est pas « un professionnel », le tribunal a décidé qu’il devait être libéré de prison sous condition d’un « contrôle judiciaire » de deux ans. Ceci fait partie de l’une des décisions scandaleuses de la justice allemande.
Après que son identité d’agent ait été révélée, Sayan a déposé le 12 décembre 2016, une demande d’asile auprès de l’Office fédéral des migrations et des réfugiés à Hambourg. Affirmant dans sa première déclaration qu’il faisait partie de l’équipe turque du MIT chargé des assassinats des politiciens kurdes, Sayan a été soudainement placé en garde à vue. Ensuite, modifiant sa déclaration, nous pouvons dire que Sayan a transformé le palais de justice historique de Hambourg en une salle de théâtre.
Sayan, qui a rejeté la quasi-totalité des accusations comme des coïncidences dans sa vie privée, a voulu acquitter le MIT et blâmer des policiers proches du Mouvement Gülen, l’ancien partenaire de l’AKP. A l’issue des audiences, le tribunal a déclaré que la peine de 2 ans et 6 d’emprisonnement réclamée par le parquet était trop lourde et a décidé de libérer Sayan sous condition d’un « contrôle judiciaire » de deux ans.
Contrairement au tribunal, le parquet a annoncé que Sayan travaillait pour les services secrets turcs depuis 2013 et avait reçu 30 000 euros pour cela. Cependant, malgré de nombreuses informations et des dizaines de documents, le dossier de Sayan a été classé dans les archives en 2017, parmi les autres dossiers du MIT que l’Allemagne dissimule.
Compte tenu des relations entre l’Allemagne et la Turquie, le procès de Sayan est considéré comme un « petit miracle ». En effet, malgré de nombreuses menaces, tentatives d’assassinat et activités d’espionnage démasquées de la Turquie, l’impunité est devenue une politique de base en Allemagne.
En mai 2015, trois membres de la cellule des renseignements turcs ont été jugés et libérées sous caution de 70 000 euros. Parmi eux se trouvait Muhammed Taha Gergerlioğlu, un haut responsable du MIT et conseiller d’Erdogan. Les deux autres étaient Ahmet Y. et Göksel G., ses employés. Ces agents étaient chargés d’espionner les dissidents kurdes et alévis vivant en Allemagne et de transmettre les informations qu’ils recueillaient au MIT. Gergerlioğlu a été arrêté à l’aéroport de Francfort le 17 décembre 2014. La police a alors saisi son carnet où figuraient les noms et adresses de centaines de Kurdes. De la même sorte, des centaines de noms et des dizaines de copies de passeports ont été retrouvés sur son téléphone. Mais il a été libéré le 19 octobre 2015, date à laquelle Erdogan et la chancelière allemande Angela Merkel s’étaient entretenus. Le mystère du cahier qu’il portait sur lui et des activités qu’il menait ont été ainsi dissimulés.
La procédure judiciaire contre DITIP a été close en 2018, malgré les différents documents qui prouvent que le DITIB fonctionne comme une agence de renseignement pour le régime d’Erdogan. Durant la procédure qui a duré une année, le bureau du procureur fédéral n’a ouvert un procès contre seulement 19 agents du DITIB au motif qu’ils travaillaient pour le MIT. Cependant, ce dossier n’est pas allé plus loin et a été classé sans suite.
On retrouve la même politique d’impunité dans les affaires d’assassinats plus anciens. En 1980, le syndicaliste socialiste Celalettin Kapak a été assassiné dans le quartier de Kreuzberg à Berlin par le MIT et avec l’aide des racistes et religieux turcs. Hélas, les autorités allemandes n’ont pas voulu poursuivre les éléments qui nous conduisaient vers Ankara.
En 1986, 4 membres de l’organisation de gauche Dev Sol ont été enlevés à Stuttgart et condamnés à Ankara. Les 4 personnes en question avaient demandé l’asile en Allemagne. Le Parti de gauche (Die Linke) a soumis une question parlementaire sur ce sujet et le gouvernement y a répondu en disant qu’il n’était au courant de l’enlèvement.
Le 31 décembre 1994, Nurettin Topuz, Mustafa Akgün et Mustafa Aksakal, membres du TKP ML-TİKKO, ont été tués dans une cafeteria d de Germersheim, une ville du Land allemand de Rhénanie-Palatinat. C’était un fasciste du MHP qui leur avait tiré dessus avec une arme à feu. Son identité a longtemps été tenu secrète par les autorités allemandes qui l’ont mis en garde à vue et ont décidé sa libération après un simple tribunal. Des années plus tard, on apprend qu’il avait avant les années 1980 dans l’unité « anti-terroriste » de la police de Yozgat.
A Neumünster, le 3 septembre 1995, le jeune kurde Seyfettin Kalan a perdu la vie suite à l’attaque d’un groupe de fascistes turcs. Pendant la même période, l’organisation paramilitaire raciste «les Loups Gris » s’est encouragée du silence de la police et a lancé une vague d’attaques contre les kurdes à travers toute l’Allemagne. Des lieux appartenant à des Kurdes à Ulm, Bielefeld et Mülheim ont été incendiés. Le membre des Loups Gris qui a assassiné Seyfettin Kalan et blessé deux autres jeunes, n’a été puni que pour avoir porté une arme sans permis et a été libéré par la suite.
DES MILLIERS DE RÉSEAUX D’ESPIONNAGE
Dans un article du journal kurde Yeni Özgür Politika du 19 décembre 2017, l’historien-auteur Nick Brauns a citait les informations suivantes sur le réseau d’espionnage et les structures paramilitaires en Allemagne : « Aujourd’hui, on estime que le réseau d’espionnage du MIT (en Allemagne) compte environ 6 000 employés. Les agents et informateurs du MIT travaillent activement dans les mosquées, les associations turques, ainsi que les banques et agences de voyages turques. De cette façon, le MIT peut accéder aux informations des comptes et de voyages des dissidents. De plus, selon l’avis des autorités d’enquête allemandes, le MIT essaie également de faire jouer des organisations paramilitaires telles que Osmanen Germania. Osmanen Germania a été créé dans le but d’intimider et d’attaquer les opposants au régime. »
LES SOCIÉTÉS FANTÔMES EN ALLEMAGNE
L’État turc a également des sociétés fantômes qui mènent des activités d’espionnage et ciblent les dissidents en Allemagne. L’Union des démocrates turcs européens (UETD), créée par le gouvernement AKP le 1er avril 2016 en fait partie. La police allemande en a été convaincue après une conversation téléphonique entre le chef de la région Rhin-Neckar de l’UETD, Yılmaz Ilkay Arin, et le chef du gang « Osmanen Germania », Mehmet Bağcı.
Arin, qui est également le président fondateur de l’Union sportive turque européenne (ATSB), une autre organisation créée par l’AKP pour organiser la jeunesse en Allemagne, était l’homme le plus spécial du député AKP Metin Külünk. Külünk, en revanche, attire l’attention en tant qu’ami proche du retraité général de brigade Adnan Tanrıverdi, l’un des conseillers d’Erdoğan. Ces structures, directement connectées les unes aux autres, ont planifié une attaque contre l’humoriste allemand Jan Böhmermann en 2017. L’humoriste avait été placé sous la protection des autorités allemandes en raison des menaces existantes.
En août 2015, la police a perquisitionné trois mitrailleuses « Scorpion » de fabrication tchèque dans un petit véhicule de transport qu’elle a arrêté à la frontière germano-suisse. La police a clarifié plus tard le destinataire de cette cargaison qui était le gang « Osmanen Germania ». L’une des raisons des raids menés contre ce gang en novembre 2016 sur ordre du parquet de Darmstadt était ces armes.
Jusqu’à ce qu’il soit déchiffré, le membre actif de l’AKP, Külünk, se rendait fréquemment dans des pays européens, notamment en Allemagne, aux Pays-Bas, en Belgique et en Suisse, et tenait des réunions dans des mosquées, des associations et des organisations liées à l’AKP officieusement. Il a été révélé que le gang « Osmanen Germania », qui était impliqué dans de nombreux crimes en Allemagne, travaillait également sous les ordres de Metin Külünk.
LES LISTES D’EXÉCUTION EN EUROPE
Il s’est avéré que l’État turc a également créé une liste d’exécutions de dizaines de personnes en Europe. La liste, qui a été reprise dans la presse à la mi-2021, comprend des journalistes et des militants. La police allemande a confirmé en juillet 2021 qu’il y avait une liste 55 personnes à exécuter en Allemagne.
Le journaliste Erk Acarer, qui vivait à Berlin au moment de la publication des listes, a été victime d’une attaque au couteau à son domicile le 6 juillet 2021. Acarer a déclaré que l’un des assaillants avait menacé en disant « tu ne dois plus écrire ». L’attaque a été réalisée par trois personnes. Pendant que l’une était de garde, les deux autres ont attaqué. Le journaliste a un mandat d’arrêt en Turquie. Il vit en Allemagne depuis 2017. Après cette attaque, 21 autres journalistes, artistes, intellectuel.les et écrivain.es de l’opposition vivant en Europe ont été menacés de mort à travers une liste partagée sur un compte social appelé « Jitemkurt ». Suite à une question parlementaire, le ministère de l’Intérieur allemand a annoncé les noms qui figurent sur la liste de personnes à exécuter. Il y a l’artiste kurde Ferhat Tunç, le politicien kurde Hasip Kaplan, le journaliste Celal Başlangıç, l’avocat Mahmut Şakar, l’ancien maire de Diyarbakır Osman Baydemir et l’artiste kurde Şivan Perwer.
Figurant sur la liste et étant membre de l’Union internationale des écrivains (PEN), Gökhan Yavuzel a annoncé dans un message du 26 juillet qu’il avait été agressé par quatre personnes au Pays de Galles, où il vivait, et que les agresseurs parlaient turc.
Le journaliste Can Dündar vivant en exil en Allemagne figure également sur la liste. Dundar a été menacé à plusieurs reprises directement par le président turc. Alors que Can Dündar était rédacteur en chef du journal Cumhuriyet entre 2015 et 2016, il a publié des images démontrant la livraison d’armes d’Ankara aux djihadistes en Syrie. Les images datent de 2014. Une plainte a été déposée contre lui et il a été condamné à 27 ans et six mois de prison en décembre 2020. Il a notamment été accusé d’espionnage. Il a été attaqué à main armée devant le tribunal d’Istanbul en mai 2016 avant le verdict de son procès. Heureusement il s’en est échappé. Actuellement, il continue de diffuser sur la plateforme Internet appelée « Özgürüz » (« Nous sommes libres »). Can Dündar reste une cible du gouvernement turc.
LES TETES MISES A PRIX
En plus de ces listes d’exécutions, qui encourage les gens ordinaires à assassiner, l’État turc propose des « récompenses » sur la tête de nombreux dissidents. En Belgique, des noms tels que Zübeyir Aydar et Bahar Kimyongür figurent sur cette liste rouge. Le ministère de l’Intérieur turc a préparé à cet effet des listes « rouges », « bleues », « vertes », « oranges » et « grises ». La récompense promise dans la liste rouge atteint jusqu’à 10 millions de livres turques. Dans un reportage du journal turc Sabah du 9 mars 2012, le « règlement du prix antiterroriste » avait été publié afin d’appréhender les dirigeants du PKK. Une récompense de 4 millions de livres turques a été promise à quiconque attraperait l’une des 50 personnes dont les noms figurent sur la liste. Il a été indiqué dans la même liste que 20 des Kurdes, qui étaient mentionnés comme « cadre dirigeant », vivaient en Europe.
DES MENACES DE MORT
En plus des tentatives d’assassinat et des listes d’exécutions, des messages menaçants sont envoyés à de nombreuses personnes, y compris des politiciens européens. Sevim Dağdelen, un parlementaire de gauche en Allemagne, n’est pas sur la liste des personnes recherchées, mais vit sous protection policière en raison de menaces. C’est également le cas pour Berivan Aslan en Autriche.
En novembre 2020, une enquête a été ouverte contre des messages de menaces en turc contre le ministre flamand de la Justice Zuhal Demir en Belgique. Demir a été mise sous surveillance policière. Il est indiqué que les messages menaçants ont été envoyés en réponse aux déclarations du ministre de la Justice Zuhal Demir concernant les mosquées affiliées à Diyanet en Belgique, qui est considérée comme le « bras long » du régime d’Erdogan. Selon le bureau du procureur, la personne qui a envoyé l’e-mail en turc a menacé Demir, disant qu’il « sait où elle habite, qu’il va la violer, qu’il sait où la trouver si elle ne se tait pas ».
LES ACTIONS D’ENLEVEMENT
Ces dernières années, de nombreuses personnes ont été enlevées par les renseignements généraux turcs avec l’aide de nombreux pays et ont été conduites vers la Turquie. La plupart de ces personnes appartiennent à la communauté Gülen, groupe anciennement lié au régime d’Erdogan. Dans ce contexte, le neveu de Fethullah Gülen, Selahattin Gülen a mystérieusement disparu au Kenya début mai 2021. Le 31 mai, les autorités turques ont annoncé que Gülen était entre leurs mains. Le régime d’Ankara affirme avoir ainsi capturé des dizaines de personnes depuis 2016. En 2018, six personnes affiliées à la communauté Gülen ont été détenues par le MIT au Kosovo. L’État turc fait pression sur de nombreux pays tels que des Balkans, d’Asie centrale et d’Afrique.
En septembre 2020, le demandeur d’asile kurde İsa Özer a été enlevé en Ukraine et emmené en Turquie. Il n’y a pas de précision quant au déroulement de cette « opération ».
LE SILENCE MORTEL FACE A LA MENACE
Les informations contenues dans ce dossier constituent une très petite partie des activités obscures organisées et entreprises par l’État turc dans de nombreuses régions du monde. Depuis sa création, l’État turc a commis de graves crimes contre l’humanité tant dans le pays qu’à l’étranger. Les gouvernements occidentaux qui à chaque occasion donnent des leçons de moral au sujet des droits de l’Homme et de la démocratie restent silencieux face aux crimes commis par la Turquie ou ne vont pas plus loin que des condamnations verbales. Ce silence encourage la Turquie à continuer ses actes criminels. Même si l’on sait que l’État turc entretient des relations intenses avec des structures tel que Daech, considérées comme ennemies de l’humanité, les gouvernements européens continuent de jouer les trois singes. A travers d’une part, l’expansion de son réseau d’espionnage et ses menaces d’attaque, d’autre part, ses liens indéniables avec des structures contre toutes les valeurs humaines tel que Daesh, la Turquie constitue une menace grave pour les libertés et la démocratie dans le monde, en particulier pour les Kurdes et les peuples du Moyen-Orient
Maxime Azadi